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dimanche, 19 février 2017

Louis de Bonald : le sacre du social

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Louis de Bonald : le sacre du social

 

« Vivre ensemble », « faire société », « rester unis ». Voilà des expressions dont la répétition a rongé le sens. Défenseur d’une unité politique fondée sur le droit naturel, Louis de Bonald prôna cette réconciliation totale du peuple de France. Posant le primat du social sur l’individu, du commun sur le particulier, il eut pour exigence la conservation du caractère sacré des rapports sociaux.

 

C’est un immortel dont le nom fut englouti par le génie maistrien. Écrivain prolifique et méthodique, ardent défenseur de la tradition catholique qu’il sentait menacée par les assauts libéraux de la Révolution, Louis de Bonald fut également maire de Millau, député de l’Aveyron, nommé au Conseil royal de l’Instruction publique par Louis XVIII. Il entra à l’Académie française en 1816. Considéré par Durkheim comme précurseur de la sociologie, le vicomte n’eut de cesse que de relier la théologie politique avec une compréhension des rapports sociaux. Antidémocrate convaincu, il élabora un système visant l’unité politique et théologique du social fondé dans les organes les plus naturels des individus : la famille et la religion.

Bonald pense la famille comme le socle primordial et nécessaire de la société. En 1800, celui qui considère que « ce sont les livres qui ont fait les révolutions »  publie son Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social. Deux ans plus tard, il écrit Le divorce considéré au ХІХe siècle où est souligné le rôle essentiel de la famille dans la totalité d’un corps social hiérarchisé et justifié par Dieu. Étonnement proche de certaines lignes du futur Marx, il compare la famille à une société composée de ses propres rapports politiques, de sa tessiture sociale, de ses interactions élémentaires. La famille est et fait société. Dans la sphère biologique qui la fixe, le père fait office de monarque bienveillant garant de l’autorité sur l’enfant défini par sa faiblesse et sa vulnérabilité. Père, mère et enfants sont entraînés dans des rapports et des fonctions strictement inégaux, cette inégalité étant un donné inamovible qui ne saurait être contractualisé à l’image d’un rapport marchand librement consenti. Il en va de même pour les frères et sœurs, l’aîné ne pouvant se confondre avec un cadet qui ne dispose donc pas du droit d’aînesse. En tant que présupposé naturel, la famille ne peut être le lieu d’un ajustement consenti des rôles et des places.

Comme système, la famille est une chose entièrement formée qui ne saurait être une somme de parties indépendantes cherchant concurrentiellement à « maximiser leur utilité ». Fondée sur une inégalité qui la dépasse tout en la caractérisant, sa dissolution est jugée impossible. Bonald écrit : « le père et la mère qui font divorce, sont donc réellement deux forts qui s’arrangent pour dépouiller un faible, et l’État qui y consent, est complice de leur brigandage. […] Le mariage est donc indissoluble, sous le rapport domestique et public de société. » C’est dans cette volonté de conserver l’unité politique que le futur pair de France, alors élu à la Chambre, donne son nom à la loi du 8 mai 1816 qui aboli le divorce. Le divorce, bien plus qu’une évolution dans les rapports familiaux, est ce « poison » amené par une Révolution qui porte en elle la séparation des corps sociaux dont la famille est le répondant. Ne devant être dissoute sous aucun prétexte et constituant un vecteur d’unité originaire, c’est de la famille que la pensée bonaldienne tire son appui et sa possibilité.

 

Une « sociologie » sacrée

Admiré par Comte (qui forge le terme de « sociologie »), consacré par Balzac pour avoir élaboré un système englobant les mécanismes sociaux, Louis de Bonald est un noble précurseur de cette « science de la société » qualifiée aujourd’hui de sociologie. Noyé dans une époque où le jacobinisme semble encore chercher sa forme, Bonald entend revenir à la tradition d’une manière inédite en convoquant la réflexion sociale. Il élabore une véritable théologie sociale enchâssée dans la vérité révélée du catholicisme. Comme le note le sociologue Patrick Cingolani, Bonald se méfie de l’indétermination démocratique tirée du « libre examen » du protestantisme, entraînant discorde et scepticisme. Défenseur d’un principe holistique, le vicomte pense à rebours de l’idée des Lumières selon laquelle les droits de la société résultent d’une libre entente entre les individus. C’est à la société de faire l’homme, non l’inverse. Plutôt que de refonder la société, la Révolution l’a donc détruite : il n’existe plus de grand corps sacré de la communauté, uniquement des individus dispersés.

Le Millavois pense donc l’homme comme intégralement relié à Dieu dans lequel il fonde positivement sa légitimité spirituelle et sociale. L’individu n’a pour droits que ses devoirs, qui sont envers toute la société, et donc envers Dieu dans lequel cette dernière se confond. Dieu, c’est le social total, car l’homme ne doit rien à l’homme et doit tout à Dieu. Sans le pouvoir de ce dernier, la notion même de devoir s’éteint, annulant du même geste la possibilité d’existence de la société. L’auteur de Théorie du pouvoir politique et religieux pense les lois religieuses, celles qui constituent la religion publique, comme devant « être un rapport nécessaire dérivé de la nature des êtres sociaux ». Dans son bel article Totalité sociale et hiérarchie, Jean-Yves Pranchère souligne la manière dont la vision du social chez Bonald se dissout dans le sacré jusqu’à élaborer une sociologie trinitaire : « la théologie serait en un premier sens une sociologie de la religion et des rapports sociaux qui constituent l’Église ; en un second sens, elle serait une sociologie des rapports sociaux de l’Église avec Dieu ; en un dernier sens, elle serait la sociologie des rapports sociaux qu’entretiennent entre elles les personnes divines. » Les lois sociales d’ici-bas sont analogues à celles reliant les hypostases du Très-Haut, et c’est pour cela qu’elles cherchent naturellement à se conserver.

L’utilité sociale d’une théologie politique

 

Ce sacre du social, l’auteur gallican entend l’encastrer dans la politique. Les hommes, ne pouvant être entièrement raisonnables, ne peuvent s’entendre sur un principe fondateur de la société. L’individu, limité, fait défaut. La légitimité du pouvoir doit donc nécessairement se trouver en dehors de lui. Celui qui traite la « politique en théologien, et la religion en politique » replie donc l’intelligence politique sur la grande Histoire : la raison doit recourir à la tradition, à l’hérédité validée par Dieu. Dans un ouvrage au titre saillant, Législation primitive, considérée dans les derniers temps par les seules lumières de la raison, il écrit : « Une fois révélées à l’homme, par la parole, les lois sont fixées par l’écriture, par les nations, et elles deviennent ainsi une règle universelle, publique et invariable, extérieure, une loi, qu’en aucun temps, aucun lieu, personne ne peut ignorer, oublier, dissimuler, altérer ». Et cet usage de la tradition n’a pour but que d’assurer la tranquillité du Royaume, car « une société constituée doit se conserver et non conquérir ; car la constitution est un principe de conservation, et la conquête un principe de destruction. »

L’homme est un un être culturel par nature parce qu’il toujours vécu par Dieu. Son isolement est une illusion et l’état de nature est réductible à un état social. Le pouvoir qui s’exerce dans la vie de la cité n’a nullement sa source dans le cœur libéré des individus, mais préexiste à la société. Dans son étude sur Bossuet, Bonald note : « Le pouvoir absolu est un pouvoir indépendant des sujets, le pouvoir arbitraire est un pouvoir indépendant des lois. » « Omnis potestas a deo, sed per populum », nous dit Paul. Avant de s’exercer, le pouvoir fonde, il constitue. Ce caractère utilitaire de la vérité catholique donne à Bonald une vision progressive de l’histoire. Dans sa récente étude, Louis de Bonald : Ordre et pouvoir entre subversion et providence, Giorgio Barberis insiste sur ce point. Chez Bonald, dit-il en le citant, « c’est la connaissance de la vérité qui détermine aussi bien le progrès de la raison humaine que le développement de la civilisation. La connaissance de la vérité est directement proportionnelle à la situation globale d’un système social, tandis que chez l’homme elle dépend de l’âge, de la culture ou de l’éducation de chacun. Il y a un progrès effectif dans la connaissance du Vrai et dans le développement de la société. La vérité chrétienne se réalise, se révèle dans le temps. Le christianisme n’est lui-même « qu’un long développement de la vérité » ».

Accédant à Dieu par la fonction sociale, jugeant la vérité catholique sur son utilité collective, Bonald est à la fois critique et héritier des Lumières. Se distinguant nettement de Joseph de Maistre par une vision de l’histoire qui quitte la berge du tragique, Bonald conserve l’optimisme d’un retour durable à l’Ancien Régime. Dans Un philosophe face à la Révolution, Robert Spaemann décrira Bonald comme un fonctionnaliste accomplissant de manière retournée la pensée révolutionnaire. Sa réduction positive de Dieu à une fonction conservatrice de la société anticipe déjà les postures maurrassiennes.

samedi, 18 février 2017

Jornadas Schmitt - Actualidad de Carl Schmitt

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Jornadas Schmitt - Actualidad de Carl Schmitt

Jornadas Actualidad de Carl Schmitt a 30 años de su muerte.
Universidad de Buenos Aires, 18 a 20 de noviembre de 2015.

Panel Actualidad de Carl Schmitt
18 de noviembre de 2015.

Cortés, Martín (FSOC, UBA)

Schmitt para las izquierdas.


Nosetto, Luciano (IIGG/FSOC, UBA)

Decisionismo y decisión. Un retorno a la sencillez del comienzo.


Raffin, Marcelo (IIGG/FSOC, UBA)

Excepción, nomos y teología política: la recepción agambeniana del pensamiento de Schmitt.


Rossi, Miguel Ángel (IIGG/FSOC, UBA)

Schmitt y la problemática de los valores.


Coordina: Gabriela Rodríguez Rial (IIGG/FSOC, UBA).



Sobre las Jornadas

Comisión académica
Cecilia Abdo Ferez, Ricardo Laleff Ilieff, Luciano Nosetto, Julio Pinto, Gabriela Rodríguez Rial, Miguel Ángel Rossi.

Comisión organizadora
Germán Aguirre, Alejandro Cantisani, Franco Castorina, Fabricio Castro, Diego Fernández Peychaux, Ricardo Tomás Ferreyra, Nicolás Fraile, Octavio Majul Conte, Gonzalo Manzullo, Gonzalo Ricci Cernadas, Javier Vázquez Prieto, Tomás Wieczorek.

Contacto
Correo electrónico: jornadascarlschmitt@gmail.com
Página web: jornadascarlschmitt.wix.com/2015
Facebook fanpage: facebook/jornadascarlschmitt

Organizaron
Seminario Permanente de Pensamiento Político,
Instituto de Investigaciones “Gino Germani”,
Facultad de Ciencias Sociales, UBA.

Invitaron
Maestría en Teoría Política y Social, Facultad de Ciencias Sociales, UBA.
Anacronismo e Irrupción. Revista de Teoría y Filosofía Política Clásica y Moderna.

 

lundi, 13 février 2017

Calling One’s Political Opponents the “F” Word

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Calling One’s Political Opponents the “F” Word

My young friend Jack Kerwick in a column on townhall stated that protestors against Donald Trump who are destroying property and assaulting suspected Trump supporters are “not snowflakes but leftist thugs.” Jack is absolutely right in his description, although there is another qualification that I would add. Contrary to other commentaries that I see on the same website and on other Republican forums, the protestors aren’t “fascists.” They are exactly what Jack calls them, “leftist thugs.” Last year I published a carefully researched book on the uses and abuses of the term “fascist.” What motivated this project was first and foremost the tendency of journalists to call anything they didn’t fancy “fascist.” Those leftists, including a distinguished professor of European history at Yale University, Tim Snyder, who has gone after President Trump as a “fascist” or, even more ridiculously, as a “Nazi,” are using political terms with inexcusable recklessness. But then so are Republican publicists who hurl the same epithets at Democrats and who now refer to the anti-Trump protesters as fascists.

The word “fascist” has a definite historical reference point. It does not signify any group that engages in violent demonstrations or refuses to accept the election results of an American presidential contest. My book painstakingly distinguishes “fascists,” who came to power in Italy after World War One, from the German Nazis, who borrowed heavily from Stalinism as well as Latin fascism. Generic fascists came mostly out of a Latin Catholic cultures and favored a nationalist authoritarian government that would restore the glories of a partly mythic past. Fascism also served a counterrevolutionary function, as a force of resistance to revolutionary socialism. But fascists looked and acted in a sufficiently iconoclastic or disruptive manner to be mistaken for genuine revolutionaries. The German historian Ernst Nolte was on the mark when he characterized the fascists as “a counterrevolutionary imitation of the Left.”

In my book, I point out that the theory and reality of interwar fascism should not be equated with whatever a political partisan wishes to rant against. People can be violent without being fascists; and most contemporary advocates of an expanded administrative state are not trying to revisit the experiences of Mussolini’s Italy. Even less are they endorsing violence or big government for the reasons that the Nazis gave. Whatever we may say about Black Lives Matter and LGBT demonstrators, they are not glorifying Aryanism or calling for Lebensraum for Nordic man. Mind you, this does not make these demonstrators any less thuggish or repulsive. But they are, as Jack properly noted, distinctly leftist thugs—and neither fascists nor Nazis. The demonstrators want to destroy our constitutional freedoms and like all leftists, they are explicitly or implicitly totalitarian.

But they also stand for things that Western societies have been taught especially in the last fifty years taught us to revere such as egalitarianism and the interchangeability of all human beings. Even our supposedly conservative press does not attack Jack’s thugs for the ideals they profess but rather refer to these vandals as fascists or Nazis.  It would be futile in today’s court of public opinion to defend such truly conservative notions as hierarchy and particularity. This may be the case despite the fact that classical conservative ideals are at least as necessary as their opposites for those who value social cohesion and cultural stability. But one rarely encounters the defenses of such ideals in public life anymore; and therefore anyone seeking to make leftists look bad paints them as racists, sexists, and anti-egalitarians.

In a memorable observation, English political theorist John Gray, writing in the London Times Literary Supplement (January 2, 2013) commented that intellectuals continue to deny “the radical evil that has come from the pursuit of progress.” Gray was noting not only the totalitarian direction of leftist attempts to reconstruct human nature. He was also underlining the unwillingness of intellectuals to recognize the inherent danger of those ideals that the Left embraces. We continue to celebrate ideals that have been carried to excess and which now operate without the stabilizing influence of opposing principles? One might also ask whether the Left’s triumphant ideals are better than those taught by defenders of custom and traditional authority, going all the way back to Confucius and Aristotle.

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But what I’m offering is not so much a defense of conservative principles as an explanation for why our soi-disant conservatives call those they don’t like “fascists.” This is the same kind of stuff we encounter when conservative publicists try to blacken the current Democratic Party by identifying it with antebellum slave-owners? This morning a distinguished classical historian, who is beloved to our conservative establishment, Victor Davis Hanson, resorted to this shtik when he scolded California secessionists. Does Hanson, who is a well-educated scholar, really believe that the Cultural Marxists in California who want to pull their state out of Donald Trump’s America are the modern equivalents of the South Carolina planter class that seceded from the Union in 1861?  This polemic and others of its kind cause me to wonder why our official conservatives don’t tell us that leftists are harmful because they are following specifically leftist ideals.  Why do they have to link their debating partners to some antiquated Right? And even more curiously, why do they assume that talk about equality and human rights is specifically “conservative”?

Yes, I know the usual justification for such habits, namely that those who indulge them are trying to hang the Left on its own petard. But more may be going on here. The conservative establishment has trouble saying the obvious, that the Left holds harmful leftist beliefs and has been implementing these beliefs to the detriment of an inherited social order, for this among other reasons.  So-called conservatives have absorbed so much of the Left’s rhetoric and historical thinking that sometimes it can’t distance itself, at least not on first principles, from what it criticizes.

This was first brought home to me dramatically when I read a column by Jonah Goldberg in National Review in 2002. In this commentary, Goldberg declaimed against the most illustrious European counterrevolutionary of the early nineteenth century, Joseph de Maîstre (whose name by the way he misspells). According to Goldberg, Maîstre was a toxic leftist thinker because in his Evening Conversations of Saint-Petersburg we find this statement: “There’s no man as such. I’ve only encountered Frenchmen, Italians, and Russians…” Goldberg tells us this illustrates the thinking that the Democrats are promoting when they support minority quotas. Maîstre, we are made to believe, was a precursor of our Left and the Democratic Party, a party that Goldberg would later profitably associate with fascism. It makes no difference to Goldberg (who presumably never read the actual text) that Maîstre’s aphorism was spoken in response to a discussion about the relation between governments and national traditions. Maîstre, who excoriated the French Revolution, from which he fled, was warning against revolutionaries who presumed to inflict their model of government on other countries. These revolutionaries were so fixated on their presumed superior model of government that they tried to make it fit the entire world.

For Goldberg, the fact that Maîstre stresses the distinctive nature of cultures and nations indicates that he was an early representative of the party that Goldberg has made a career out of blasting. Note that I’m not saying that Goldberg is not entitled to his views. But I don’t understand what makes those views “conservative” while the archetypically conservative understanding of human nature expressed in the Evening Conversations would show that Maîstre was an early advocate of Democratic identity politics.  Moreover, Goldberg compares Maîstre to the feminist, black civil rights jurist, Lani Guiniere, who in 1993 was considered by Bill Clinton for the Supreme Court, before her name was withdrawn.

Like Goldberg, Guiniere, a Harvard Professor of Law, has repeatedly affirmed her belief in human rights. Unlike Goldberg, however, she also advocates in her writing an extensive program of minority quotas. She believes, rightly or wrongly, that we can advance these universal rights by treating preferentially those groups whom Guiniere considers to be historically disadvantaged. On this issue, I would come down on the side of Goldberg, because of my fear of the modern administrative state and its increasingly unchecked power. But I doubt that our philosophical concerns would be the same. (And I’m speaking not as a Maîstrean but as someone who can appreciate Maîstre’s insight). What separates Guiniere from Goldberg is a policy difference; what separates her and Goldberg from Maîstre is an entire worldview.

samedi, 04 février 2017

Faut-il juger le Droit ?

 
A l’occasion de la livraison de notre opus centré sur le droit, l’entretien avec le Professeur émérite Jean-Louis Harouel vous propose une réflexion complète sur le grand remplacement du droit national par une norme droit-de-l’hommiste métissée. Il détaille le processus politique conduisant l’État à se retourner contre son peuple alors même qu’il avait été conçu pour le protéger.
 
On semble aujourd’hui accorder une place de plus en plus importante au droit dans les rapports privés ou interétatiques, aboutissant à une primauté du droit sur la concertation. Pouvez vous nous dire quelles ont été les étapes de cette évolution ?
 
J-L H : Le phénomène que vous évoquez s’inscrit dans un grand mouvement de dévalorisation du politique au bénéfice du juridique et plus encore du judiciaire. Commencé au lendemain de la Seconde guerre mondiale, ce processus fut largement l’œuvre de la démocratie chrétienne qui, n’aimant pas vraiment la démocratie et n’aimant pas du tout la nation (cadre optimal de la démocratie), a combattu férocement la souveraineté démocratique. Dominant alors l’Europe continentale, la démocratie chrétienne s’est employée à détruire l’idée d’une suprématie parlementaire absolue au moyen d’une technique inspirée de Kelsen : la création des cours constitutionnelles, auxquelles vinrent se superposer les juridictions européennes et tout particulièrement la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Avec pour effet que la décision suprême n’est plus politique mais judiciaire.

Comment les juges justifient-ils leur autorité sur un pouvoir politique légitimement désigné par la population ?
 
J-L H : Cette justification repose sur la notion d’État de droit. Or c’est un mot-fétiche par lequel il ne faut pas se laisser intimider. Jadis protecteurs des libertés publiques des citoyens, les droits de l’homme sont devenus – nous allons y revenir – une religion séculière d’État, formant un système politico-juridique moralisateur, coercitif et répressif. Notre droit, qui était jusqu’alors inspiré par des valeurs de durée, est aujourd’hui phagocyté et dénaturé par cette religion des droits de l’homme mortifère pour les nations européennes. Si bien qu’en clair, « État-de-droit » signifie trop souvent la condamnation à l’impuissance des peuples européens face à l’immigration de masse qui les submerge et à l’islam qui est en train de conquérir sans le dire leur pays.
 
Le droit semble être de moins en moins l’affaire des États avec la montée en puissance du droit communautaire écrit par des technocrates européens. Peut-on encore récupérer la mainmise sur notre droit ?
 
J-L H : On le peut en brisant – notamment par le recours au référendum – la logique fédéraliste sournoise qui fait que les dirigeants des pays européens ne sont plus que des marionnettes en charge de faire accepter ce qui a été décidé ailleurs. Il faut rompre avec le fétichisme bigot de la sainteté du culte de l’Europe. Comme je l’écrivais dans Revenir à la nation, il faut faire éclater une Union européenne qui n’aime pas les Européens. Obsédée d’ouverture à l’autre sous l’effet de la religion des droits de l’homme, l’UE est l’ennemie des peuples européens car elle répudie la vraie identité européenne fondée sur un contenu humain particulier et une civilisation particulière. L’UE veut croire que la dévotion de l’universel peut suffire comme identité collective européenne, alors qu’elle en exprime le néant. Mais peut-être naîtra un jour une construction européenne authentique, fondée sur la volonté politique des peuples.
 
Peut-on voir dans les droits de l’homme un « déracinement » du droit ?
 
J-L H : Tel n’était pas le cas pour les droits de l’homme classiques, qui étaient concrètement les libertés publiques des citoyens au sein des États-nations démocratiques, telles qu’on les a pratiquées au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Le déracinement du droit est intervenu au cours de la seconde moitié du XXe siècle du fait de l’avènement de la religion séculière des droits de l’homme, inspirée par une frénésie de l’ouverture à l’autre et une compassion cosmique indifférente aux États et aux nations. François Furet a observé que la religion des droits de l’homme a pris le relais du communisme comme promesse de l’émancipation de l’humanité. Né de l’implosion des utopies antérieures, le culte des droits de l’homme érigés en norme suprême censée produire un monde meilleur constitue, selon les termes de l’historien américain Samuel Moyn, notre dernière utopie.
 

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En quoi les droits de l’homme sont-il particulièrement dangereux aujourd’hui pour l’homme lui-même ?
 
J-L H : La religion des droits de l’homme est surtout dangereuse pour l’homme occidental, qui en est l’inventeur et qui seul se l’applique vraiment. En particulier, l’islam – lequel n’admet même pas les libertés publique et notamment la liberté de penser – met certes à profit la religion des droits de l’homme pour conquérir l’Europe, mais y est absolument réfractaire. La religion des droits de l’homme est suicidaire pour ceux qui la prennent au sérieux, car elle détruit les nations, les peuples, les identités, les enracinements. L’affirmation absolue du « je » au détriment du « nous » est non seulement l’agent d’une désagrégation des sociétés occidentales, mais encore le cheval de Troie de la submersion de l’Europe par une immigration géante à dominante musulmane.
 
Que distingue droits de l’homme et droits humains ?
 
J-L H : Le terme « droits humains » est un néologisme récent qui dérive de human rights, terme apparu seulement au cours des années 1940 dans la langue anglaise. Avant cela, on parlait de rights of man, lesquels étaient les droits de l’homme classiques, les libertés publiques. Au contraire, les droits humains correspondent à la religion séculière des droits de l’homme telle qu’elle s’est imposée depuis un demi-siècle. Mais, déjà avant cela, la religion des droits de l’homme avait suscité l’intrusion de la notion de droits fondamentaux, dont les grands bénéficiaires sont les étrangers. L’admission de tout individu présent sur le sol d’un pays, fût-ce de façon frauduleuse, à multiplier les revendications et actions juridiques, lui donne une arme contre le peuple de ce pays.
 
Vous parlez de « religion des droits de l’homme » : si cela est avéré, quel en est le culte, les rites, et qui en sont les prêtres ?
 
J-L H : Dès lors que la religion séculière des droits de l’homme est substantiellement formée de règles de droit, les prêtres de cette religion sont tout naturellement les juges, et plus précisément ceux des plus hautes juridictions. Cette nouvelle « prêtrise judiciaire » – terme forgé par Jacques Krynen, professeur d’histoire du droit à Toulouse – avait déjà été perçue voici un demi-siècle par le professeur de droit public parisien Georges Lavau qui observait qu’en posant des règles nouvelles au nom de principes généraux du droit qu’ils déclaraient à leur gré, les hauts magistrats s’étaient arrogés une fonction religieuse, une fonction prophétique. C’est ainsi que la religion des droits de l’homme fonde le gouvernement des juges.
 
Comment expliquer le succès de la « religion des droits de l’homme », dans les médias et même à l’Université ?
 
J-L H : Le succès de la religion des droits de l’homme vient pour une bonne part de ce que de nombreux « communistes zombies » (adaptation d’une formule d’Emmanuel Todd), rendus orphelins du communisme par la disparition de l’Union soviétique, s’y sont recyclés. Marcel Gauchet a signalé dès le début des années 1980 le mouvement qui portait intellectuels et ex-militants de la lutte des classes à se réfugier dans la lutte pour les droits de l’homme. Quand au succès de la religion des droits de l’homme parmi les juristes universitaires, je répondrai avec mon collègue Yves Lequette, professeur émérite de droit privé à Paris II, que « les auteurs petits et grands qui se sont fait une spécialité de ce culte tirent de celui-ci les moyens ainsi que le sentiment de leur existence ».
 
De Gaulle disait « d’abord la nation, ensuite l’État, après le droit ». Vit-on aujourd’hui un renversement qui ferait passer le droit avant l’État, reléguant la nation en dernier ?
 
J-L H : Aujourd’hui, en France, l’État est en même temps l’Église de la religion séculière des droits de l’homme. Cet État-Église n’a presque aucun souci des intérêts concrets de la France et des Français. Leur avenir lui importe peu. L’État veille seulement à la sanctification de la société au regard des dogmes de la religion des droits de l’homme et des règles juridiques constitutives de cette religion. Ce primat religieux du droit sur les intérêts de la nation relègue effectivement celle-ci en dernier. Nous sommes dans ce que Max Weber appelait la morale de la conviction (Gesinnungsethik), laquelle érige en principe absolu un sentiment ou un principe et s’y accroche inconditionnellement sans se soucier des conséquences pratiques. Une morale qui, comme l’observait Raymond Aron, ne doit pas être la morale de l’État. Car c’est trop souvent une morale de l’irresponsabilité.

 Allez plus loin, lisez La Camisole

dimanche, 29 janvier 2017

Le Populisme ou la véritable démocratie

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Le Populisme ou la véritable démocratie

Le Populisme ou la véritable démocratie

par Bernard Plouvier

Editeur: Les Bouquins de Synthèse nationale

Sortie Janvier 2017

292 pages

22 €

Un entretien avec Bernard Plouvier à l'occasion de la sortie de son livre "Le Populisme ou la véritable démocratie"

populisme-la-vraie-democratie.jpgQ.  Dans ce livre, vous présentez ce que les bien-pensants et bien-disants interpréteraient comme un non-sens : l’assimilation du populisme à la démocratie. Est-ce une provocation à but commercial ou l’expression d’une intime conviction ?

R. Vous m’avez mal lu : je n’ai pas écrit du populisme qu’il était une forme de démocratie. Je prétends qu’il s’agit de la SEULE véritable démocratie, soit le gouvernement POUR le peuple. Le but de tout gouvernement est d’administrer au mieux le Bien commun. C’est ce que, durant l’Antiquité gréco-romaine – qui est notre racine fondamentale, avec celles moins bien connues des civilisations celto-germano-scandinaves -, l’on nommait la Chose publique.

Q. Pourtant les démocraties grecques antiques n’ont pas été des régimes populistes.      

R. Effectivement, ce que nos brillants universitaires (les historiens allemands sont généralement moins naïfs) nomment la « Démocratie athénienne » n’était qu’une ploutocratie. Pour faire simple, une ploutocratie est un gouvernement de riches qui n’agissent que pour donner à leur caste – héréditaire ou matrimoniale - et à leur classe – liée à la surface sociale – les moyens d’assurer la pérennité de leur domination.

Certes, un peu partout en Grèce, à partir du 6e siècle avant notre ère, on a introduit la notion d’égalité devant la Loi, mais cela ne touchait que les seuls citoyens, nullement les étrangers et moins encore les esclaves qui n’étaient que des biens mobiliers, des choses. En outre, les citoyens pauvres n’avaient que le droit d’élire des riches pour administrer l’État. En gros, cela n’a guère changé en 25 siècles !

Et très vite, les peuples se sont révoltés. D’authentiques populistes ont dominé de nombreuses cités grecques antiques, puis Rome. Ces « tyrans » ont tous été élus, acclamés par le peuple, mais agonis par la classe des lettrés, issus de la caste nobiliaire. La mauvaise réputation du populisme est une affaire de règlement de comptes entre les riches et les chefs des pauvres… car les ploutocrates reviennent toujours et partout au Pouvoir, les pauvres étant trop souvent victimes de leur irréflexion et les gens des media – de l’aède antique au présentateur d’actualités télévisées – étant fort vénaux.

Q. Ce livre est donc une promenade historique, une visite guidée dans le Musée du populisme. Cela signifie-t-il qu’il existe des causes et des effets récurrents dans l’histoire humaine qui mènent au populisme ?

Bien évidemment et cela revient à dire qu’il existe des critères qui permettent à l’observateur de différentier un véritable populiste – être rare – d’un banal démagogue. Il faut être très critique à l’égard de ce qu’affirment les journalistes et les « politologues », cette curiosité contemporaine, lorsqu’ils balancent, un peu au hasard, l’appellation de populiste, ce qui est souvent, pour ces ignorants, une accusation, alors que de nombreux exemples prouvent le bénéfice que certaines Nations ont retiré des gouvernements populistes… et l’étude des échecs est également instructive.

Un chapitre entier du livre est consacré aux valeurs populistes et un autre aux critères, universels et diachroniques, d’un gouvernement authentiquement populiste. Et l’on étudie les différences qui existent entre le régime populiste et le despotisme éclairé.

Q. Comment survient ce type de régime ?

Comme toujours en histoire, il faut, pour observer un phénomène hors du commun, la communion d’un chef charismatique et d’un groupe de compagnons résolus, unis par le même idéal… mais, hélas, pas toujours par des idées communes. Trop de théoriciens tuent un mouvement d’essence populiste avant qu’il puisse prétendre au Pouvoir. C’est ce que l’on a vu en France ou en Espagne durant l’entre-deux-guerres.

Q. Ma question était mal posée : pourquoi un mouvement populiste réussit-il une percée ?

Ce type de mouvement résulte toujours d’un mal-être profond de la Nation, dans ses couches laborieuses et honnêtes… ce qui suffit à différentier le populisme des partis marxistes, dirigés par de très ambitieux intellectuels déclassés et composés de sous-doués hargneux, envieux et fort peu motivés par le travail.

Dès qu’une ploutocratie cesse de proposer au peuple une ambition pour la génération active ou, de façon plus grave encore, une promesse d’avenir pour les descendants, elle devient insupportable. La situation devient intolérable, explosive, lorsque la Nation – soit la fraction autochtone du peuple – est menacée dans sa survie.

L’insurrection devient alors légitime, à moins qu’un mouvement, prenant en compte les besoins et les aspirations du peuple – singulièrement ces valeurs qui font l’identité d’une Nation –, rassemble une majorité électorale qui lui permette de parvenir démocratiquement au Pouvoir, ce qui évite l’insurrection, ses crimes et ses destructions… là encore, on mesure bien la différence entre le populisme et l’ignominie marxiste, où la Révolution est le bien suprême, nécessaire aux chefs et aux petits chefs pour se saisir du Pouvoir et des sinécures.  

Q. Finalement, le populisme, ce serait la réaction saine d’un peuple qui souffre, qui est écœuré de ses soi-disant élites et qui aspire à une vie plus digne, faite de travail et d’honnêteté dans la gestion des affaires publiques, permettant d’espérer un avenir meilleur pour les enfants et les petits-enfants ? 

Vous avez tout compris.

L'auteur : Bernard Plouvier est né en 1949. Il a été interne des hôpitaux puis chef de clinique au CHU de Lille. Depuis 1979, il est chef de service hospitalier, spécialisé en Médecine interne. Il a été élu membre de l’Académie des Sciences de New York en mai 1980. Il collabore régulière­ment à la revue Synthèse nationale ainsi qu'au site EuroLibertés.

samedi, 28 janvier 2017

La véritable nature de la démocratie moderne

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La véritable nature de la démocratie moderne

Visitez le site du Cercle de l’Aréopage :
http://cercleareopage.org

Conférence au Cercle de l'Aréopage:
La véritable nature de la démocratie moderne
Par Maxence Hecquard et Pierre Magnard

Ouvrage présenté:
https://www.amazon.fr/fondements-phil...

La démocratie est aujourd'hui une valeur sacrée, une véritable religion. Dans un ouvrage passionné, passionnant [...] où toute l'histoire de la pensée politique moderne et contemporaine est citée à comparaître " (P. Magnard), Maxence Hecquard revisite les fondements et la genèse de cette religion séculière. L'antique ordre du monde s'est écroulé. La mort de Dieu, définitive depuis Darwin, fait place à un Etat de droit fondé sur une.. vérité scientifique : le progrès. Oui contesterait un tel régime ? La cohérence remarquable du système apparaît ainsi à l'énoncé de la métaphysique sous-jacente : celle d'un univers en évolution peint par Condorcet et Teilhard de Chardin, mais véritablement pensé par Kant, Hegel et Darwin. La démocratie est le moment politique de ce progrès. Hasard et liberté, droit et morale, intérêt et bien commun forment désormais autant de couples indissolubles. Le lien social devient essentiellement économique...

Retrouvez les évènements du Cercle :
http://cercleareopage.org/conf%C3%A9r...

Lisez La Relance de la Tradition: Notes sur la situation de l'Église
Broché:
http://tinyurl.com/h6c52ho
Pour liseuse:
http://tinyurl.com/ztehnyd

théorie politique,politologie,sciences politiques,philosophie politique

vendredi, 27 janvier 2017

Gael Brustier : A demain, Gramsci

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Gael Brustier : A demain, Gramsci

Docteur en science politique, collaborateur scientifique du CEVIPOL de l’université de Bruxelles, chroniqueur dans plusieurs médias écrits et audiovisuels, GAËL BRUSTIER s’est affirmé comme un intellectuel dérangeant avec Voyage au bout de la droite (2011). Après Le mai 68 conservateur, il signe ici un nouvel essai percutant et novateur.

« Le dernier Congrès du Parti socialiste l’a reconnu : “La gauche n’est plus en situation d’hégémonie culturelle.” Diagnostic lucide, quoique tardif. Le patient a cependant de quoi être rassuré : il mourra en connaissant les causes de son mal. »

samedi, 21 janvier 2017

Christophe Levalois : comprendre la royauté pour comprendre nos princes contemporains

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Christophe Levalois : comprendre la royauté pour comprendre nos princes contemporains

La fonction royale a marqué les sociétés humaines traditionnelles à travers le monde et son lien avec le sacré était son trait premier. Cette figure peut-elle éclairer l’échec actuel du politique ?

Entretien avec Christophe Levalois, historien, prêtre orthodoxe et auteur de l'ouvrage 'La royauté et le sacré' (Le cerf, 2016) : https://www.editionsducerf.fr/librair...

lundi, 16 janvier 2017

Tradition, Politics and National Identity

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Tradition, Politics and National Identity

By Gwendolyn Taunton

Ex: https://manticorepress.net 

This article was originally published in The Radical Tradition (out of print).

The issue of political identity is not often connected with spiritual sources in the eyes of the average citizen; however on an imperceptible, inextricable level, the two are combined in a myriad of ways which escape the notice of many. Indeed, the application of spiritual and/or mythical elements being deployed as part of a political agenda is nothing new, for it can found in a diverse range of historical epochs from the time of the Roman Empire to contemporary politics. The parallel I wish to draw is between the concept of the Primordial Tradition (standing as a sui generis argument) to the theory of primordialism in political science, with the specific intent of identifying and providing a new definition of cultural identity that is intended to bypass both the political left/right dichotomy and approach identity from a ‘top-down’ perspective, as opposed to a flat, unilateral model of left/right duality. The need for a new theory of national identity is becoming one of paramount importance in the increasingly isolated world of mass ‘individualism’ which has come to predominate the modern world. In the process of cross-comparison between Traditions and primordialism, a clear narrative of interaction will be extrapolated to reveal a blue print for the construction of a new form of political theory that seeks to redefine the common elements in national identities. To begin the discourse, a brief introduction to the twin theories of the Primordial Tradition and primordialism is required.
The Primordial Tradition is rightly defined as being a sui generis argument meaning that it is self-generating – a concept which originated with Durkheim. Essentially a sui generis argument is classified as self-perpetuating because it originates from a concept which is deemed to be existent from the beginning. In the sociology of Émile Durkheim, a sui generis is used to illustrate his theory on social existence. Durkheim states that the main object of sociology is to study social facts. These social facts can only be explained by other social facts. They have a meaning of their own and cannot be reduced to psychological or biological factors. Social facts have a meaning of their own, and are ‘sui generis’. Durkheim also states that when one takes an organization and replaces some individuals with others, the essence of the organization does not necessarily change. It can happen, for example, that over the course of a few decades, the entire staff of an organization is replaced, while the organization still retains its distinctive character. Durkheim does not limit this thought to organizations, but extends it to the whole society: he maintains that society, as it was there before any particular living individual was born, is independent of all individuals. His sui generis (its closest English meaning in this sense being ‘independent’) society will furthermore continue its existence after the individual ceases to interact with it. Society and culture, are therefore naturally arising phenomena.
Sui generis is a Latin expression, literally meaning “of its own kind/genus”, or unique in its characteristics. In this circumstance spirituality and Tradition are deemed to be archetypal concepts which are inherent in the psyche of humans from the beginning of the evolution of consciousness itself. Like, society, they are naturally occurring. This implies a relationship with Jungian thought and links it to Jung’s theory of the subconscious and archetypes as symbols, which whilst are not possessed of a corporeal existence, act as what he called ‘psychoids’. These psychoids are not themselves alive but possess an abstract existence which influences the nature of human thought despite the fact that they themselves are not sentient. This idea is similar to that which was expressed by Plato when he discussed the realm of Ideals in which abstract concepts take on an existence in a theoretical plane of reality. This idea of a Primordial Tradition which serves as an ideological substratum for all of the world’s Traditions to draw upon, in best thought of a repository of universal archetypes which are translated into the various Traditions of the world, each one being shaped by the geographic and cultural phenomena present in the respective Traditions. The language of Tradition is ethno-symbolist in origin; symbols and patterns of belief shape the cultures of the world around them. When minor discrepancies can be found in the archetypes (if examined in a cross-cultural comparison), they are easily explained as being a different translation of the same archetype or symbol, for it is imperative to remember that not all cultural groups in the world share the same set of psychological processes; each culture has been shaped by unique historical, geographical, natural and social forces. Thus the God of an indigenous shamanic population may appear radically different to the God of the Jews or Christians, though all are in fact speaking of the same entity. The foundational premise of the symbol is the same as that of an archetypal phenomena; however the translation itself is parsed through each environment differently.

If we are to accept spirituality as a self-generating phenomena set apart from the world of the mundane by its inherent qualities of the sacred and transcendent, how can we relate this process to the construction of a national identity? The answer to this question arises from an older theory which has fallen out of grace with contemporary political critique – primordialism. Not only is there a great similarity between the titles of the two theories, there is also a significant overlap between the two concepts, for both are self-generating and self-perpetuating without the need for any artificial intervention – in sum, both are organic, living forms of belief and awareness which are to be found in all peoples for they are universal values. Though at first the concept of an organic mode of national identity (and hence also an organic model for political identity) may appear like a radical transition, it is in fact not. The term primordialism (sometimes also known as perennialism) in political theory is the argument which contends that nations are ancient, natural phenomena, and thus shape themselves when constructing an identity. This stands in radical contrast to the inorganic modernist view of nationality, which is shaped and guided by external forces. Alan Bairner explains the distinction between primordialism and modernism (or instrumentalism) below:

It is relatively standard practice in sociological and political studies of nations and nationalisms to differentiate between primordialist (or ethno-symbolist) and modernist perspectives […] Central to the former is the belief that primordial attachments or relations are a matter of the significance attributed to criteria that are perceived to be objective language, ethnicity, geography, religion and which are almost certain to predate the emergence of the modern nation state and of nationalism as a modern political ideology. […] The modernist perspective, on the other hand, focuses on nations and nationalisms as modern inventions which emerge in response to new social and economic challenges.[1]

As the above extract hints, the key to understanding this dyad of political polarity, is that primordialism approaches the nation as a living, organic entity, formed from naturally occurring social bonds, whereas modernism adopts the approach that the nation is in fact an artificial construct. The first mentions of primordialism in this context arise from German Romanticism, and are found in the works of Johann Gottlieb Fichte and Johann Gottfried Herder. Herder’s theories revolved around the use of language in cultural groupings, and for Herder, the concept of the nation was synonymous with its linguistic group, which he also held to be a reflection of the group’s thoughts processes – thus each linguistic grouping would have not only different languages, but a different thought process. This is highly indicative of linguistic groupings being one of the primary sources from which national identities are formed.

Another important element which plays a key role in the assertion of national identities (under the broader context of primordialism) is the landscape itself. As Anthony D. Smith suggests territorial ‘homeland’ components of nations in primordialism indicate that ‘the landscapes of the nation define and characterise the identity of its people’.[2] Land and geographical features will always be a universal within any cultural grouping, for they generate images to which the populace at large can relate to.

Landscape is itself a representation, ‘a medium . . . embedded in a tradition of cultural signification and communication, a body of symbolic forms capable of being invoked and reshaped to express meaning and values’ (Mitchell 1994: 14). The interpretation of landscapes is hence a politically loaded activity: the meaning attributed to them results from an ideologically coded interpretation of society and nation (Nogue´ and Vicente 2004). Landscapes function in nation-building discourses as symbols of national authenticity. For this purpose, nature can be nationalised, but by associating nationhood with a landscape the nation can itself be naturalised (Kaufmann and Zimmer 1998; Smith 1986: 183–90).[3]

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The notion of sacred land is also found in almost all indigenous cultures, particularly in locations where natural phenomenon were unusual; thus not only did land shape the evolution of society, it is also intrinsically wed to spirituality. These sites often become associated with myth, pilgrimage, and ritual. Furthermore, the appeal of the landscape in defining cultural identity is not limited to inhabitants of localised regions; it is also significantly embodied in constructing the identity of diasporic groups. In this respect, the fact that nations are defined territorially (although in relation to diasporic nationals they can also transcend spatial boundaries) is an important factor in their emotional appeal, especially when one considers the importance of the landscape for any territorial entity.[4] An obvious example of the use of the land as a construct of national identity amongst diasporic peoples would the implementation of modern Israel being established as the mythical homeland of the Jews.

It seems a matter of logic to assume that any group of people cohabiting a particular geographic region for a period of time would form the necessary social bonds which would act as a precursor to the formation of a rudimentary community, and that this community would in turn associate the land upon which they lived as part of their national identity. This however, is only a small portion of the factors which compose the totality of primordialism. Clifford Geertz elaborated further on primordialism, and is usually credited in literature as the author who introduced the concept of the primordial attachments and sentiments of an individual to the world.[5]

In Geertz’s theory the factors which constitute primordialism are in fact the assumed normative functions present in human social groupings. In Geertz’s theory one is bound to one’s kinsman, one’s neighbour, one’s fellow believer, ipso facto, as the result not only of personal affection, practical necessity, common interest, or obligation, but in great part by virtue of some absolute importance attributed to the very tie itself.[6] The nature of the attachments themselves are not constants, and vary between individuals and communities.

According to C. Geertz (1963), primordial attachments are also created at the social level when a community shares ideas of (also assumed) blood ties, the same race, speech, territory, religion, customs, and traditions. Many cultures regard primordial communities as universal and eternal. The lineage on both the mother’s and the father’s sides of the family, the history of the religious, ethnic group or nation can be traced back many centuries. History and ancestors are very important in the primordial community (Baèová, V., 1966). The primordial community as a historically developed givenness shows a tendency to dominate individuals. Membership of a primordial community is assigned to an individual and is considered to be hereditary (e.g. a caste but also a religion).[7]

Obviously this definition of primordialism encounters a problem in the modern era, in that immigration renders the above definition of primordialism both unfeasible and inappropriate. It is for this reason, that modernism/instrumentalism has gained prominence in academic circles, with primordialism being regarded as an out moded theory which is now only demonstrated amongst tribal communities. The crux of the argument in regards to the success of primordialism rests on the ethnicity of the actors involved; instrumentalism holds ethnicity as impermanent and an intangible aspect which can be changed. In instrumentalism, ethnic identity is not given to an individual in advance and forever, it is not primordial, but is constructed during one’s development and can undergo changes during one’s life.[8] By contrast, primordialism is defined below:

According to the primordial approach, ethnic identity is given to the individual just like the primordial membership of a community into which he/she was born (i.e. forever). As one cannot change the country, where one was born, or one’s native language, one cannot change one’s identity, which is deeply rooted in him or her. According to P.R. Brass (1991), it is common to all primordial views that ethnicity is based on descent.[9]

Therefore, the reason why primordialism is no longer deemed to a credible theory for national identity is not because it has inherently been proven wrong, but rather because it no longer suits the requirements of the modern state construct which is composed of people from a number of different ethnic backgrounds. The difference between primordialism and instrumentalism is further elaborated below.

The concern about multiculturalism has surfaced also in studies on nationalism which analyse the future of the nation. The two different positions that come here to the fore or ethno-symbolic and modernist can be best exemplified by the works of Anthony D. Smith and Mary Kaldor respectively. According to Smith (2002), while nationalism can certainly be regarded as a modern phenomenon, nations are not. In different forms (clans, tribes, city-states or ethnic communities), ‘nations’ have always existed (Smith, 2002, p. 14). National identities are somewhat perennial, pervasive, and ‘authentic’; while other types of identity gender, class, religion, etc. are situational, i.e. context-dependent (Smith, 2000, pp. 133134). As nations pre-date the rise of the modern state, it is possible that they will also survive its demise. The opposite view is held by modernists, who maintain that nations are not ‘primordial’, but ‘historical’ products, inextricably linked to the rise of the modern state. According to Kaldor (2004), it is therefore likely to expect that as nations came into existence, one day they will disappear.[10]

In the modern era, basing primordialism upon the ethnicity of the actors is not possible. In order to redefine primordialism, other aspects of organic communities must be examined to determine what the actual bonds of primordial attachments are in the modern era of mass relocation. Obviously, a number of factors occur in combination which ensure the normal social bonding processes take place within the community – language, culture, and group psychology will all occur within the formative process. All of this is quite reminiscent of Victor Turner’s theory of communitas. As one of the leading anthropologists, the idea of communitas put forward by Turner revolves around the interplay of spiritual Traditions to form bonds within social groupings – this intangible bond by which people identify their sense of ‘belonging’ is what Turner refers to as communitas. In terms of relevance in assisting us on our quest to redefine primordialism and national identity in terms which are relevant to the circumstances of the current nation/state, it is vital for us to understand what creates the sentiment of communitas which serves to form the primordial attachments and all national identities in terms of group psychology. This concept is what I refer to as the pathos, which is the impetus behind all arts, spiritual/philosophical beliefs and politics. I have chosen to implement the term pathos as being representative of an emotional state which is deliberately evoked as a response to a particular aesthetic. Thus, it is the unseen bond which binds the object of art to its observer though the will and intent of its creator. By using this, the artist attempts to evoke his emotional state in the observer by means of replication. Pathos is the emotional response of the observer to any particular art form, and any piece of successful art will cause pathos to manifest in the observer. Moreover, pathos is not limited entirely to art and it is capable of manifesting in other culture spheres, notably spirituality and politics. Art and spirituality are siblings which are primarily evoked to appeal to the subconscious. In spirituality the need for a successful pathos reaction is required in the participant, not the observer and is a core component of prayer and ritual. The ritual specialist also replaces the artist to elicit the pathos response from the audience. Obviously in spirituality the emotions evoked will be different to those which are often evoked by art, and tend to relate more to abstract mental states and the higher processes of cognition i.e. devotion, bliss, ecstasy, peacefulness. In politics the way in which pathos is evoked is again different, and it is best illustrated in the writings of Gustav Le Bon, whose works dwelt upon irrational impulses in the masses and generating emotional responses from the crowds. For Le Bon ‘crowds were characterised by illogical spirit, instinctive character, and a propensity to be governed by feelings.’[11] Le Bon advised the leader to know the “art of impressing the imagination of crowds,” because that knowledge would enable him to govern them.[12] Thus here the principle of raising a pathos response is the same in art, spirituality and politics, for all three rely on the ability of one person to create an emotional response in many individuals in order for their respective endeavours to be successful. It is undeniable that politics utilises the principle of pathos, and that in the writings of Le Bon on crowd psychology, politics became a mysterious new art form.

Le Bon encouraged leaders to play on the power of representation and to adopt theatrical modes. He equally directed attention to the use of words and language in combination with images. In the same way that representations, “if handled by art.” can turn magic, so words and formulas could become “supernatural powers”. No matter what their meaning, the power of words was relevant, Le Bon claimed. “Words whose sense is the most ill-defined are sometimes those that possess the most influence.” Words had a “truly magical power.” […] By emphasising magic in the leader’s relation to crowds, Le Bon instituted a doctrine of mystification. Since he believed he had scientifically proven the crowd’s irrational nature, Le Bon in effect advised the orators to appeal to their “sentiments, and never to their reason.” He suggested that in order to convince the crowd, it was necessary to know more than the feeling that animated it. One also needed to “pretend to share those sentiments” and possibly to divine from instant to instant the sentiments to which one’s discourse is giving birth.”[13]

220px-Gustave_Le_Bon.jpgThere is very little room for doubt that Le Bon’s theory was directed as using politics as an art form, in which an active leader sought to evoke pathos reactions in a passive crowd, and we can see it enacted in Italian history by Mussolini, who was profoundly influenced by the works of Le Bon. Not only did Mussolini use the works of Le Bon to draw pathos reactions from the people of Italy, he saw politics as an art form, which links it strongly to the need to provoke emotional states in the otherwise passive observers, with the ‘performance’ serving as the medium by which to connect the ‘artist’ (in this example, Mussolini) with the observer (the Italian public). Mussolini describes politics as an art below:

That politics is an art there is no doubt. Certainly it is not a science, nor is it empiricism. It is thus art. Also because in politics there is a lot of intuition. “Political” like artistic creation is a slow elaboration and a sudden divination. At a certain moment the artist creates with inspiration, the politician with decision. Both work the material and the spirit…In order to give wise laws to a people it is also necessary to be something of an artist.[14]

As an art, politics is governed by the same rule as other arts; that it operates by generating an appeal to the irrational, emotive states. By means of generating pathos, the speaker or leader creates a bond betwixt themselves and the crowd. This was by no means limited to Mussolini and is a widely utilised political technique. A political scientist, Walter Connor, analysed the speeches of great leaders of nations, as well as national revivalists and noted a conspicuous uniformity of phraseology that was observable in a number of these speeches.

Phrases and pictures of family, blood, brothers, sisters, mothers, ancestors, home were almost universal. The speeches and phrases were able to mobilize masses and many individuals also believed them in private. W. Connor justifies the force of these appeals to primordial attachments by their emotional strength through which they have affected and continue to affect the human mind.[15]

Connor’s analysis paints a very clear picture of the political uses of not only primordial attachments, but also the effects of the successful raising of pathos in the respective audiences. Furthermore, the fact that these elements were also present in Mao’s speeches suggests that the use of emotive language was not limited to the Right Wing – indeed, as a universal element in the culture spheres, the use of pathos in politics is independent of all political parties and regimes for it is a technique or component and thus could be utilised by any and all political persuasions. A quick examination of speeches from the former American president George W. Bush reveals a highly targeted usage of key words and phrases such as ‘freedom’ and the ‘axis of evil’. Though Bush’s use of pathos in politics pales in comparison to others, attempts to raise pathos in his politic speeches are present, and this is demonstrated by excessive repetition of phrases and carefully selected words which were targeted to rouse the American public. Thus, appeals to the emotions in politics are not limited to the far right or nationalism; the power of words and pathos is merely a tool which could be utilised by any political current.

Pathos, when coupled with the primordial attachments, is a driving force in the construction of national identities both in the world of theory and the application of real politic. In a smaller community, these primordial attachments tend to be stronger, but theorists are still at a loss to explain how they translate into nationalism, where the attachments are weaker. I would tend to argue that this in itself is no great mystery; there is merely a need to generate more pathos to enhance the existing feelings of communitas to a point where primordial attachments manifest at a level wherein they are made to appear even in inorganic constructs such as the ‘nation’. Baèová cites this point, saying that ‘According to some authors, the success of nationalism can today be explained by the fact that it made an efficient use of the strength of human primordial attachments and extended them to a macrocommunity, i.e. to the nation state.’[16]In the context of social theory, these attachments can be rendered in a variety of different forms.

Social categorization theory and research have taught us that there is personality-based identity (‘personal’ identity), and categorical/inscriptive or ‘group’ identity. Likewise, there are two kinds of attraction (Hogg 1992) : personal attraction (caused by the personality of another), and social attraction (caused by the group-membership of another, through the prototyped stereotype attached to such membership). However, this theory takes the (contextless) process of categorization itself to be decisive (Turner et al. 1987) , and proposes no theory about the different kinds of ‘groups’ with which people can identify. There are many kinds of group identities: ethnic, kinship, political, religious, gender, class, racial, regional. Each creates an in-group (where ego is member) and an out-group, and therefore a social boundary, by stipulating certain conditions that members must satisfy in order to be such. But psychologists have in general treated all group identities and in-group/out-group cleavages as resulting from the same, general, stereotype-formation process (for example, Bar-Tal et al. 1989; Leyens/Yzerbyt/Schadron 1994). However, we are probably equipped with specialized psychologies (plural) to process the different kinds of social boundaries that recur in the social world. Group identities are probably ‘domain-specific’, like most other aspects of human cognition (Symons, 1992; Tooby & Cosmides 1992). If so, membership conditions in one domain (political groups) may well be different from those in another (ethnic groups).[17]

The interesting implication which arises here, is that in such a community where pathos is strong enough to forge primordial attachments and enhance the feeling of communitas, is that it would create a friendlier, more caring community – this would stand in a marked contrast to the isolation of a community of ‘individuals’, which is today the hallmark of the majority of nations today. In discussing primordialism and pathos in nationalism, Heam argues that ‘to understand better the importance of human sentiments in the formation of nationalism, what is needed is detailed case and comparative studies that look at the actual interface of primordial discourses of kinship, territory and language, and primary groups in specific social structures, and the workings of national discourses in those contexts, whether playing upon primordialist themes or not’.[18]

Steve Bruce argues that religion is greatly underestimated as a force in contemporary Western society both in terms of literal belief and in terms of symbolic and metaphorical meaning.[19] Furthermore, as structural-functionalism has declined in the social sciences as a theoretical tool of analysis, so too have the functional aspects and relevance of religion been overlooked.[20] Certainly, due to the current climate religion is more misunderstood in the Occident than it was two hundred years ago – with every step taken towards scientific progress, research in the humanities has taken about twenty steps backward. We must not ignore the impact of different spiritual Traditions on national identity either, whether they have had positive or adverse effects, for spirituality, has, and continues to be, a driving force in human culture. As Durkheim concluded, ‘If religion has given birth to all that is essential in society, it is because the idea of society is the soul of religion’.[21] Thus in the eyes of Durkheim, society and religion are linked in a fundamental manner. Indeed, a cursory glance at the etymological origins of both religion and society reveals just how deep the connection betwixt the two is. The word ‘religion’ comes from the Latin religio, meaning bonds of social relations; ‘society’ comes from the Latin socio, meaning bonds of compassion and community.[22]The true role of spirituality is thus one of social relationships, which serve to define a network or community; a definition which would exclude all forms of political religion which define an individual’s role in relationship to the state instead.

Religion thus implies the idea of networks and relations superior to the individual that perform life-enhancing, even life-creating functions that create a sense of community and compassion because its members share relationships, thus was Durkheim able to identify God and religion as society. The relationships one enters into also help form one’s consciousness and culture and thus one’s identity, sense of place and belonging. Relationships convey knowledge and information, ways of interpreting the world and understanding one’s place in it – skills vital to maintaining one’s life in terms of social interaction, economic cooperation, material survival and physical (military) preservation.[23]

Therefore, if used correctly, spirituality should serve to bring a community together – only when spirituality falls into the hands of politics does it become misused for other agendas. Here, on a side note, I would also advocate, in light of the fact that spirituality has replaced religion as the common term for metaphysical beliefs, that both be substituted by the word Tradition when we speak of belief systems that are rooted in cultural and/or ancestral heritage. Having seen how Tradition can be warped by political agendas, it behoves us to explain what the appropriate role of Tradition should be in national identities. Otto says that “if there be any single domain of human experience that presents us with something unmistakably specific and unique peculiar to itself assuredly that is it is that of the religious life.” The individual nature of Tradition ties an individual to culture and community more strongly than ties of ethnicity and in terms of asserting or prescribing national identities it is more effective, particularly in the modern era where cultural groups are composed of mixed ethnicities. Moreover, the acceptance of the same Tradition equates to a similar cultural and ethical viewpoint which creates a more harmonious society, whereas geographical or ethnic primordial attachments create weaker bonds and the principle of communitas is lessened. Thus, I would argue that the principle primordial attachment in the theory of primordialism, is not ethnicity but Tradition. It has previously been asserted by Brass that ethnicity is the prime condition for primordialism, as it cited here.

According to P.R. Brass, it is common to all primordial views that ethnicity is based on descent. The primordial understanding of one’s ethnic membership explains the non-rational behaviour of people, which is against their other (even existential) interests when defending their ethnicity, their willingness to suffer persecution or to die for their nation.[24]

Whilst this may explain the rise of nations in the pre-colonial world, this view is longer feasible for primordialism as it is not sufficient to explain the mixed cultural groupings of the modern era. Not only are there now large communities of mixed ethnicity, there are also the newly emerging micro-communities to consider, which although currently limited to social networking, do exhibit the same patterns as newly emerging nations, in the regard that the social bonds are naturally arising from primordial attachments, usually cultural or lifestyle based. In the current era, any political theory or ideology which holds ethnicity to be the main primordial attachment is ultimately doomed to failure. The previous definition of primordialism is no longer appropriate as it does not allow variance in geography and ties ethnic groups to territorial locations. Thus, the theory needs to be revised to accurately reflect national identity in the modern era. In its current format it also fails to explain newly emergent forms of supra-nationalism such as the EU which will be addressed later in this article. A more feasible stance is advocated by Ernest Gellner.

According to him, nationalism means a transfer of the focus of People’s identity into a culture that is disseminated through literacy and the formal system of education. It is not the mother tongue (i.e. primordial attachment) that is important any more, but the language of alma mater (as an instrumental means of communication). This is a consequence, in Gellner’s opinion, of industrialization and the demands for a standardized system of education, which brought the community (polity) and culture closer together. In these psychological terms nationalism extended the cultural and civilization repertoire of the sources of an individual’s identity. However, nationalism assumes and relies on the efficiency of primordial sentiments.[25]

348980.jpgThus the culmination of national identity, fostered by the primordial attachments, passes through the contemporary education system, and it is this way that all current modes of national identity are disseminated. Language is also reinforced as a prime focus for creating primordial bonds, and is perhaps the most important element in constructing national identity, for without a common linguistic group, there can be no opportunities for bonding within the community. Translated into education via the medium of language, the culture and community prescribe the value of the nation to an individual.[26]

To integrate into a modern society (nation) everyone needs to share a single underlying culture. To integrate into a pre-modern society (ethnic group) one needs to acquire its very specific culture. The difference is that a modern culture has a universality to it that encourages differences, but only if they can effectively exchange and form relations of reciprocity, which requires uniformity and a single truth or system for defining truth. A pre-modern culture requires quite overt conformity to local conditions and so is non-universal, it is in fact very conformist, although the wide variety of different local styles of conformity seems to indicate a greater variety and non-conformity.[27]

So, then in the context of modernity, and accepting the given that this can no longer be based on ethnic descent, how can cultural and national identity be constructed in the modern era? With Brenner we see a new definition emerging providing arguments on both a supra and sub-national basis. Thus the traditional model of the nation-state can be unified at the macro-level and divided at the micro level, making the model not only top-heavy but providing weak foundations on which to build any bonds of communitas. However, the inverse model can also be constructed, with smaller micro-communities at the bottom, which serve to de-stabilise the top strata of the supra-national level by threatening to split the structure from the base, if we think of the macro/micro community to be pyramid shaped in structure. Thus, by disrupting the bottom of the pyramid it is possible to topple the larger macro-nation community structures by dividing communities at the micro level. Whilst the topic has been analysed numerous times, and the process itself has been widely acknowledged, little has been said of how this affects the nation, national identity, and how to rectify the situation, as Antonisch cites below:

All the above-mentioned studies affirm, more or less explicitly, that in the present epoch the nation-state, if not in crisis, is at least experiencing a transformation. Many of these studies, however, limit the analysis of this transformation to only one of the two dimensions of the ‘nation-state’. The focus is almost exclusively on the transformation of the structure and powers of the state. How this transformation affects the nation is somewhat passed under silence.[28]

In regards to supra-national constructs, many have predicted a decline in national identity, which would have an obvious and expected conclusion, given that merging small cultural systems into a larger one should consume the smaller, or least cause it diminish in size and strength. Curiously however, evidence actually points in the opposite direction. National pride has actually increased within the EU, with the exception of Northern Ireland. Whilst other factors could easily have been the cause of this, as opposed to it merely being the result of policy implementation at the supra-national level, the fact remains that it has increased. Whilst supra-nationalism obviously delivers nationalist identity in a few form which has not been utilised before, it is still a nationalist construct – one which remains unscathed by the negative imagery affiliated with nationalism in the post WWII era. Thus, unrecognisable to most as a supra-nationalist construct, it does not trigger the usual ‘knee-jerk’ reaction the public experiences in the presence of nationalist rhetoric. This means the impact of supra-nationalism, contrary to being an impediment to the cultural identity of member states, is actually creating nationalist sentiments, which even if they are not enough to provide a true sense of communitas betwixt inhabitants, is nonetheless generating nationalism, albeit from a macro level. The results of the surveys conducted by Eurobarometer are listed below.

Eurobarometer – The survey question about national pride (‘Would you say that you are very proud, quite proud, not very proud, or not at all proud to be [nationality]?’) was first asked in 1982, but unfortunately it was not included every year in Eurobarometer standard surveys, with a significant gap between 1989 and 1993. Looking at data at the European level, we notice that overall from 1982 to 2005, national identities among the EU-15 countries have not declined. On the contrary, at the European level, national identity has increased by ten percentage points. The countries which mainly account for this increase are Belgium, East Germany, and Italy. Northern Ireland is the only territory which has experienced a major downturn.[29]

This may in fact be an example of Manuel Castells study on identities in the age of the network society. According to Castells, religious fundamentalisms, ethno-nationalisms, regionalist movements, and local communes are today the new identity expressions of the ‘space of places’ which complement the de-territorialised, globalized identity of a technocratic-financial-managerial elite who lives in the ‘space of flows’.[30] Thus, it would be nationalism, but of the kind which is not confined to the ‘space of places’ but rather an example of the new modernist identities created by the ‘space of flows’. In regards to modernist constructs, we are dealing with a new form of nationalism which is not tied to any given community, nor is based on the organic model of Tradition.

In conclusion, the current modern shift towards a social structure based on modernism/instrumentalism, whilst obviously intended to construct cultural and/or national identity in the modern area, is likely to prove a top-heavy and unwieldy model which fails to provide a fundamental solid building base for the creation of communitas. The bonds it seeks to establish between citizens are insubstantial compared to the genuine ties generated by communitas and primordial attachments, both of which rely on the generation of pathos in order to create these bonds. Pathos can be raised through the arts, spirituality, or even charisma itself – the crucial element for success is not the mode, but the reaction itself, which serves to act as a catalyst for forging the primordial attachments that are required to cultivate a healthy society. The failure to generate this essential component makes modernism/instrumentalism incapable of rendering the appropriate amount of pathos required to create an emotional attachment or primordial bond to the inorganic nation/state impossible, which as a consequence also renders the failure of any movement based on national identity. With the inadequacy of modernism/instrumentalism and its failure to deliver any meaningful cultural significance, we are left with its opposite pole in the dyad, primordialism. As an old theory however, primordialism also is lacking in the modern era, due to the impetus it used to place on ethnicity as the defining point of identity – a solution which is at best tenuous in modern society. It is therefore imperative to revise the definition of primordialism so that it no longer bases its philosophy on the ethnicity of actors within the nation. The defining point of cultural identity needs to less rigid than that of fixed biology, and based on common viewpoints – for example a community whom shares the same philosophy is likely to be much more harmonious than one whose identity is based purely on physical characteristics. I therefore propose that the term primordialism be redefined to place greater emphasis of Tradition, spirit and culture – all the integral building blocks of society which render organic and naturally arising communities possible. It is only by creating a new cultural paradigm that is relevant to the modern era that any true spiritual or political reformation can begin.

 

[1] Bairner, A., National Sports and National Landscapes: In defence of Primordialism, in National Identities, Vol. 11, No. 3, (UK: Loughborough University, 2009), 223.
[2] Ibid., 224.
[3]Huysseune, M., Landscapes as a Symbol of Nationhood: the Alps in the Rhetoric of the Lega Nord in Nations and Nationalism, Issue 16 Vol.2, 2010, 355.
[4] Bairner, A., National Sports and National Landscapes: In Defence of Primordialism, in National Identities, 225.
[5] Baèová, V., The Construction of National Identity – on Primordialism and Instrumentalism, in Human Affairs, Issue 8 (Institute of Social Sciences, Slovak Academy of Sciences, 1998), 4.
[6] Ibid., 31.
[7] Ibid., 32.
[8] Ibid., 36.
[9] Ibid., 36.
[10]Antonsicha, M., National Identities in the Age of Globalisation: The Case of Western Europe, in National Identities, Vol. 11, No. 3 (UK: University of Birmingham, 2009), 28.
[11] Falasca-Zamponi, S., Fascist Spectacle: The Aesthetics of Power in Mussolini’s Italy (USA: University of California Press, 1997), 18.
[12]Ibid., 20.
[13] Ibid., 20.
[14] Ibid., 15.
[15]Baèová, V., The Construction of National Identity – on Primordialism and Instrumentalism, in Human Affairs, 41.
[16] Ibid., 38.
[17] Gill-White, F. J., How Thick is Blood? The Plot Thickens…if Ethnic Actors are Primordialists, what Remains of the Circumstantialist/Primordialist Controversy in Ethnic and Racial Studies, Volume 22 Number 5 (USA: Taylor & Francis Ltd, 1999), 800.
[18] Bairner, A., National Sports and National Landscapes: In Defence of Primordialism, in National Identities, 225.
[19] Dingleya, J., Religion, Truth, National Identity and Social Meaning: The Example of Northern Ireland, in National Identities Vol. 11, No. 4, December 2009, 367.
[20] Ibid. 368.
[21] Gates, D.K. & Steane, P., Political Religion – the Influence of Ideological and Identity Orientation in Totalitarian Movements and Political Religions, Vol. 10, Nos. 3–4, Taylor & Francis 2009, 305.
[22] James Dingleya, Religion, Truth, National Identity and Social Meaning: The Example of Northern Ireland, in National Identities, 369.
[23] Ibid., 369.
[24] Baèová, V., The Construction of National Identity – on Primordialism and Instrumentalism, in Human Affairs, 38.
[25] Ibid., 38-39.
[26] Ibid., 39.
[27]Dingleya, J., Religion, Truth, National Identity and Social Meaning: The Example of Northern Ireland, in National Identities, 380.
[28]Antonsicha, M., National Identities in the Age of Globalisation: The Case of Western Europe in National Identities, Vol. 11, No. 3, UK, 2009, 282.
[29] Ibid., 285.
[30] Ibid., 283.

dimanche, 15 janvier 2017

TYPOLOGIE DES RÉGIMES POLITIQUES POST-APOCALYPTIQUES

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TYPOLOGIE DES RÉGIMES POLITIQUES POST-APOCALYPTIQUES

La célèbre série Fallout a ce fameux leitmotiv qu’est « La guerre ne meurt jamais ». Force est de constater qu’une autre chose survit parfaitement à l’apocalypse sans que l’on s’y attende forcément ; l’État. Sans qu’il soit forcément pourvu de toutes les institutions auxquelles l’on s’attend, son essence subsiste, peuIMPORTE que le monde soit brûlé par les radiations où ravagé par une épidémie, et peu importe sous quelle forme la vie humaine s’en est réchappée. C’est justement son organisation dans un monde dévasté et hostile qui est intéressante, parce qu’elle témoigne de la volonté immuable et obstinée de l’être humain de demeurer un animal politique, donnant raison à Aristote lorsqu’il affirmait que « pour vivre seul, il faut être une bête ou un dieu ». L’on constate cependant qu’il n’y a guère de juste milieu dans la nature des régimes, les survivants choisissant, ou ne choisissant pas, des systèmes autoritaires, soit par l’autocratie pure et simple, soit par l’autorité technique. En effet, en l’absence de contrepoids répressif, la seule loi qui vaille serait alors la loi du plus fort,INSTALLANT, de fait, un régime dictatorial, considéré par la majorité des membres de la communauté comme nécessaire, car une autorité quelle qu’elle soit vaudra toujours mieux qu’une absence d’autorité poussant l’homme dans ses plus sombres instincts, la violence pour la violence, comme l’illustrait Hobbes dans son Léviathan.

DES AUTOCRATIES

Les formes d’autocraties sont nombreuses dans les univers post-apocalyptiques. Qu’il s’agisse d’abris, de gangs de pillards, ou de survivants, tous remettent toutefois leur autorité entre les mains d’un chef, dont les ordres demeurent théoriquement incontestables. L’on remarque même parfois que certaines autocraties incorporent des éléments théocratiques pour légitimer le pouvoir du chef.

Tribalisme théocratique

Si l’appellation peut paraître incongrue, elle n’en demeure pas moins pertinente. Si le tribalisme est une forme d’organisation sociale facilement appréhensible, ses liens possibles avec des éléments propres aux théocraties sont toutefois fort originaux et peu exploités. Plusieurs œuvres font cependant démonstrations de tribus dont le chef dispose d’une légitimité de droit divin, quand ce n’est pas la tribu elle-même qui se consacre totalement à une divinité.

Les cas les plus évidents sont bien entendu Niourk et les Fils d’Atome de la série vidéoludique de Fallout. Dans le récit de Stefan Wul, le personnage du Vieux dispose de tous les attributs d’un prophète, aux connotations légèrement chamaniques, et prétend justement être en relation directe avec les Dieux dans ce que sa tribu pense être leur sanctuaire à Santiago de Cuba. C’est de cette relation mystique supposée que son autorité sur la tribune va de soi et demeure incontestable. Ce pouvoir de droit divin en fait donc le lieutenant des Dieux sur Terre, et l’enfant noir se fondera  à son tour dessus pour appuyer son ascension. Le cas de la série Fallout diffère quelque peu, au sens où ces tribus ressemblent bien plus à des communautés religieuses autarciques et retirées du monde, à l’instar des amish, mais pensent suivre réellement les directives d’Atome, qui n’est autre que la bombe nucléaire déifiée. Cela étant, cette vénération de l’atome est clairement à rapprocher à la nouvelle Béni soit l’atome de René Barjavel, commençant au moment d’une apocalypse nucléaire et à laquelle la société future rendra grâce pour avoir permis l’unification totale des nations grâce au déracinement forcé par les scientifiques lui fixant les orientations culturelles et politiques.

C’est cependant le cas du quatrième film de la saga Mad Max qui offre la perspective la plus intrigante d’un tribalisme théocratique, puisqu’on y entend régulièrement les différents personnages faire référence à un panthéon loufoque en invoquant les « dieux du chrome » et les « routes du Walhalla » où ils pourraient être éternellement sur les routes. Cette déformation de la mythologie nordique se fait jusqu’à la pulsion de mort des « war boys » composant l’armée de l’antagoniste, qui ritualisent leur sacrifice en se recouvrant la bouche de peintureCHROMÉE avant de se lancer dans une action kamikaze. Le personnage d’Immortan Joe, si ce n’est pas explicitement démontré par le film, semble incarner lui aussi un représentant des dieux sur Terre, comme l’atteste cette phrase adressée à Nux, l’un de ses hommes, indiquant qu’il le porterait lui-même sur ses épaules pour l’emmener au Walhalla. Ainsi, ce n’est pas seulement la force brute de l’ancien militaire et vétéran de la guerre de l’eau qui fait l’autorité d’Immortan Joe, mais aussi la mystique qui l’entoure.

Dictature

Nonobstant cela, les cas de dictatures, ou d’autocratie réelle, dans son acception actuelle, existent aussi. Nous entendons la dictature dans son sens premier, soit le dirigeant qui dicte les normes et les conduites à tenir, dont l’autorité et la légitimité reposent sont établi par son statut de despotisme éclairé hérité des Lumières. C’est le cas d’Emmanuel, protagoniste de Malevil de Robert Merle, est le despote éclairé de la communauté de survivants du château éponyme. Alors que la civilisation semble avoir disparuSUITE à un bombardement nucléaire « propre », puisqu’aucune radiation n’est relevée (ce qui laissera penser aux personnages qu’une bombe au lithium fut utilisée), les survivants présents dans le château confient immédiatement leur destin à Emmanuel, son propriétaire, qui dicte alors non seulement la nouvelle organisation du château, mais aussi, quand il le faut, leur manière de se comporter, comme éviter d’utiliser le patois afin que personne ne soit lésé dans une discussion.

À l’inverse de la dictature éclairée d’Emmanuel, le village voisin est quant à lui sous la coupe de la tyrannie, penchant pervers fondant son pouvoir sur la peur et la force là où la dictature puise sa légitimité dans le plébiscite, ce qui en fait un régime politique profondément républicain, là où la tyrannie ne vaut que pour elle-même, sans aucun rapport de réciprocité avec ceux sur lesquels son pouvoir s’applique et constitue donc son penchant perverti. Toutefois, que ce soit par plébiscite ou par résignation, par la dictature ou la tyrannie, qu’une communauté décide de se passer de procédés démocratiques dans des conditions extrêmes témoigne de l’inefficacité de ce régime pour relever une communauté lors de situation de crise, et que seule l’action libre d’un seul peut lui permettre de sauvegarder ses intérêts primordiaux pour l’avenir.

Il en est de même dans Ravage de René Barjavel, où l’épilogue s’ouvre sur un futur profondément paysan, proche de la terre, et surtout technophobe. François est le « père » et ses choix, non pas de société, mais de civilisation, s’imposent de par sa connaissance des effets de la technologie toute-puissante et castratrice, mais aussi parce qu’il est le plus ancien des hommes. C’est donc un véritable patriarcat, confiant l’autorité au plus vieux, car supposé le plus sage, comme dans toute gérontocratie, mais aussi, ici, parce que François et les survivants qui l’avaient suivi tout au long de l’aventure durent littéralement faire face au risque de l’extinction de l’espèce humaine.

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Spécisme/Fascisme

Dans le livre de Pierre Boulle,  La planète des Singes – fondement de huit films (à la qualité inégale) dont un à sortir pour 2017 et deux séries –, œuvre à la limite entre l’anticipation et la science-fiction, il est question de trois explorateurs : le professeur Antelle, son assistant Arthur Levain et un journaliste, Ulysse Mérou, qui se rendent sur Soror, une planète jumelle de la terre près de Bételgeuse. Le premier sombrera dans la folie à la vue de l’animalité humaine et de la société simienne, le second mourra bêtement lors d’une partie de chasse (le reléguant aux grandes heures des victimes de film d’horreur) et le dernier, Ulysse, survivra et apprendra en quoi la société simienne est particulière et pourquoi l’humanité n’a pas acquis la conscience sur Soror.

La société simienne est régie en castes représentées par des races de singes différentes (Je ne sais pas si ça se dit, un « régime de castes spécistes »). Ainsi, les gorilles sont les « forts » du système, ils en ont le contrôle et ont pris goût à cette domination.

Les orangs-outans représentent l’autorité morale de la communauté, la tradition et le scepticisme scientifique lié à l’histoire, du fait de leur mémoire exceptionnelle.

Les chimpanzés sont en bas de l’échelle, ils sont les servants des deux premiers et condamnés à ne pas avoir un rôle entériné dans un pouvoir quelconque. Ils sont ainsi « condamnés » à être servants, aventuriers, explorateurs du monde et des sciences et, au travers du récit, ce seront eux, en sortant du carcan des autres singes, qui feront progresser la société contre la dictature de pensée des orangs-outans imposant le dogme de la toute-puissance simienne à travers les âges.

Ce système, bien qu’il représente l’avantage d’être d’une exceptionnelle stabilité, a aussi pour conséquence de faire stagner l’évolution intellectuelle de ses membres. C’est ainsi que, bien qu’à la fin les chimpanzés alliés à Ulysse réussissent à démontrer la véracité de la corrélation entre l’évolution humaine et simienne sur Soror, la science restera tout de même sous la gestion du collectif orang-outan.

L’humanité, quant à elle n’a, semble-t-il au départ, jamais acquis la conscience. On apprendra plus tard, au cours d’une fouille archéologique, et par le biais d’une poupée à l’allure humaine, que l’humanité a bel et bien acquis la conscience, mais qu’elle l’a perdue du fait de sa « paresse intellectuelle » (qui représente ici son apocalypse) et les singes ont dès lors pris leur place en tant qu’espèce dominante sur Soror. De ce fait, sur Soror, le système post-apocalyptique qui s’est développé existe bel et bien, mais ce n’est pas l’humanité qui en a bénéficié, mais les singes.

barjavelvoyimpr.jpgAutre auteur, même système que les castes spécistes, Barjavel et son œuvre Le Voyageur Imprudent. Il est ici question d’un voyageur temporel qui part dans le futur lointain ou après une catastrophe identifiée comme la disparition de l’électricité, l’humanité a évolué dans saCHAIRE jusqu’à dépasser sa similarité commune, et à ne plus être que des « Hommes fonction ». Dans ce futur, chaque être a sa fonction, nulle terre, nul animal et nulle plante ne sont inutiles, chacun ayant été uniformisé jusqu’à n’être plus que des fonctions dans le grand collectif. Ainsi, les vaches ne sont plus que d’énormes réserves de lait, les cochons des réserves de viande, les paysans ont évolué jusqu’à ne plus avoir que les attributs nécessaires à l’agriculture, les femmes sont devenues des montagnes et sont limitées à leurs seules fonctions reproductrices et ce sont elles qui opèrent la modification des êtres de base (sortes de cellules souches de l’humanité) qui se différencieront en fonction des besoins.

La Terre fut aplanie, les mers ont disparu pour ne laisser de place qu’à une planète entièrement biosphérisée, recouverte d’herbe servant aux vaches qui elles-mêmes produiront le lait nécessaire aux Hommes ventres qui se nourrissent pour l’humanité, Chaque être étant connecté aux autres via un flux mental qui s’est développé lentementSUITE à la disparition de l’électricité (voir Ravage, du même auteur sur le sujet).

Grâce à cette histoire, on voit que le régime politique même a évolué et est devenu un régime de castes biologique (rappelant les slivoïdes de Magic the gatering). On constate ainsi un utilitarisme poussé à l’extrême par le biais de l’évolution génétique de l’humanité. 

DES TECHNOCRATIES

Technocratie

La Technocratie apparaît une solution idéale, non seulement pour survivre à l’apocalypse, mais surtout pour assurer un avenir à l’humanité lorsqu’il s’agit de confier l’organisation et le but d’une communauté de survivants à des scienfitiques. De même que l’apocalypse est le prétexte incontestable pour mettre fin à toute démocratie, la technocratie permet, pour certains, d’imposer le technothéisme.

Les cas de technocraties sont multiples. Les plus évidents sont l’Armée des 12 Singes, où les dirigeants le sont grâce à leur passé supposé de techniciens. Leur autorité est ainsi justifiée puisque fondée sur leurs compétences à même de relever l’Humanité, bien qu’en réalité ils ne furent que des subalternes anonymes. Cela prouve cependant que la moindre compétence technique à uneIMPORTANCE capitale dans un monde post-apocalyptique. La licence Fallout est assez similaire en cela, non seulement parce que les technocraties sont aussi souterraines, mais parce que les superviseurs d’abris, s’ils sont théoriquement nommés selon leurs compétences – en faisant abstraction des expériences frauduleuses de Vault-Tec – les nouvelles générations vivant en vase clos, leurs compétences finissent fatalement par stagner, voire par régresser à cause de la perte d’appréhension et de compréhension de logiques d’un monde qu’elles n’ont jamais connu. L’Institut de Fallout 4 est cependant la forme la plus parfaite de technocratie, avec la ville de Moontown du roman Le Diable l’Emporte de René Barjavel, plus précisément comme technocratie scientiste. Dans ces deux cas, la science est en effet l’alpha et l’oméga de la raison humaine. L’Institut estime que l’intelligence artificielle est le véritable salut de l’Humanité et méprise les survivants, tandis que la communauté scientifique de Moontown se complaît dans le prométhéisme transhumaniste le plus absurde qui soit, au point que la seule phrase que provient à articuler le « civilisé inconnu » est « je suis heureux ». Barjavel dénonce intelligemment à travers lui ce prométhéisme qui se mord la queue, ce « civilisé inconnu » étant petit à petit dépouillé de toute intimité, mais aussi de toute personnalité. Il est une objectivation totale, son bonheur ne reposant alors que dans l’absence totale d’empathie. Il n’est plus qu’un automate, homme nouveau sur lequel fantasment tous les transhumanistes.

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Bureaucratie

Le cas des bureaucraties est en général propre aux communautés humaines vivant en vase clos, non seulement dans le but d’une autopréservation, mais surtout d’un repeuplement futur de la Terre. Comme toute bureaucratie analogue, elle est la dérive naturelle d’un régime technocratique qui finit lui-même par placer sa propre préservation comme but premier. Le fonctionnement d’une communauté en vase clos, en ce qu’il implique la stagnation des connaissances, et donc la stagnation intellectuelle, entraîne logiquement une perte de compréhension des logiques techniques, et plus généralement des savoirs. Dans le cas des abris atomiques de Fallout par exemple, si les superviseurs de la première génération d’habitants sont sélectionnés selon des critères techniques (ou pas) par Vault-Tec, les futures générations finissent par se raccrocher au fonctionnement d’antan par pur atavisme. La Bureaucratie est l’entretien d’une machinerie technique et administrative dont on sait faire fonctionner les rouages sans pour autant saisir le pourquoi du comment de leur fonctionnement.

C’est d’ailleurs aussi le cas dans le vaisseau-ruche de Wall E, où les nouvelles générations, devenues totalement impotentes à cause du maintien d’un modèle social hédonistique, ne s’occupent plus de rien, laissant soin à l’intelligence artificielle du vaisseau de s’occuper d’eux. Ainsi, les seules tâches que le capitaine se doit d’effectuer sont l’expédition des affaires courantes, réduites à leur plus simple expression, puisque sa faible somme de savoirs ignore même ce qu’est une pizza. La Bureaucratie est ainsi une mutation des plus nihilistes du Léviathan, puisqu’engendré et maintenu dans le seul but de sa propre autopréservation. Ainsi, le système que l’on pensait le moins susceptible de survivre à la fin du monde peut au contraire s’appuyer sur la peur irrationnelle de survivants confiant le pouvoir aux Techniciens dans l’idée folle que la Technique qui les a peut-être conduits à l’apocalypse sera à même de garantir leur survie.

Article co-rédigé par Jan Roesch et Fabrizio Tribuzio-Bugatti

jeudi, 12 janvier 2017

La notion de politique de Carl Schmitt

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La notion de politique de Carl Schmitt

par Karl Peyrade

Ex: http://www.lerougetlenoir.org 

Ex: Publié en 1932, La notion de politique est un des ouvrages les plus connus du juriste catholique allemand Carl Schmitt. A l’origine de ce livre, on trouve une conférence de l’auteur, s’inscrivant dans unCYCLE sur les problèmes de la démocratie, à la Grande École Allemande pour la Politique située à Berlin. La conférence a donné ce texte qui a fait l’objet de nombreux débats au sein de l’intelligentsia allemande. Avant la parution de La notion de politique, les intellectuels allemands assimilaient souvent l’État à la politique. C’est face à ce postulat que Schmitt a entendu réagir.

Selon l’auteur, le concept d’État présuppose le concept de politique. L’État se définit, selon l’acception moderne, comme étant le statut politique d’un peuple organisé légalement sur un territoire donné. Pendant longtemps, les juristes n’ont évoqué que les problématiques liées à la théorie générale de l’État sans se soucier du politique. D’après Max Weber, qui fut le professeur de Carl Schmitt, le pouvoir est un élément caractéristique de la politique. L’Allemagne du XIXe siècle a d’abord placé, l’État au-dessus de la société. Ensuite, la conception libérale a primé en introduisant une dialectique État/société à savoir une opposition entre l’État et la société. Enfin, le début du XXesiècle a accouché de l’État total au sens hégélien c’est-à-dire d’un État compétent dans tous lesDOMAINES. Bien entendu, à l’heure actuelle et depuis la deuxième guerre mondiale, la vision libérale de l’État a repris du galon dans le monde occidental.

L’auteur note que dans de nombreuxDOMAINES, il existe un certain dualisme simplificateur : l’opposition beau/laid en esthétique, l’opposition rentable/non rentable en économie, l’opposition bien/mal en morale etc. En politique, c’est le dualisme ami/ennemi ou union/désunion ou association/dissociation qui est le plus pertinent. L’ennemi est l’étranger générant un conflit non réglable par une norme générale ou un tiers impartial. L’État, en tant que communauté d’intérêt et d’action, va décider si l’ennemi, c’est-à-dire son antithèse, menace son existence.

Le Christ et l’Église catholique à sa suite recommandent d’aimer ses ennemis et de prier pour eux et leur salut. Schmitt rappelle à ce sujet la distinction latine entre inimicus (ennemi personnel) auquel l’Évangile fait référence [1] et hostis (ennemi politique). Pour illustrer son propos, il donne l’exemple suivant :

« Dans la lutte millénaire entre le christianisme et I ’Islam, il ne serait venu à l’idée d’aucun chrétien qu’il fallait, par amour pour les Sarrasins ou pour les Turcs, livrer l’Europe à l’Islam au lieu de la défendre. L’ennemi au sens politique du terme n’implique pas une haine personnelle, et c’est dans la sphère de la vie privée seulement que cela a un sens d’aimer son ennemi, c’est-à-dire son adversaire. »

61S60PfzfrL.jpgCette citation brille par son actualité. Face à l’invasion migratoire et à la place de plus en plusIMPORTANTE que prend la religion mahométane en France, l’Église catholique dans la continuité du Concile Vatican II propose aux chrétiens d’accueillir l’autre sans distinguer l’étranger en tant qu’individu de l’étranger en tant que masse politique. Pourtant, si un chrétien doit aider l’étranger en tant qu’individu lorsque ce dernier lui réclame de l’aide, d’un point de vue politique, l’Église et la sphère étatique doivent se prononcer contre cet afflux considérable d’étrangers qui présente une menace pour le bien commun et l’unité du pays (insécurité culturelle, baisse des salaires, danger pour la foi catholique, violences interethniques etc.). Carl Schmitt le confirme d’un point de vue conceptuel : lorsque l’antagonisme extérieur consistant à distinguer les nationaux des étrangers disparaît, l’État peut perdre son unité politique et l’antagonisme risque alors de se situer à l’intérieur de l’État à travers une guerre civile.

La guerre n’est qu’unINSTRUMENT de la politique. Selon le mot de Clausewitz, « La guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques avec l’appoint d’autres moyens [2]. » Même le concept de neutralité découle de l’opposition ami/ennemi car il nécessite l’existence d’un conflit entre amis et ennemis pour qu’une position neutre soit prise. Si la guerre disparaît, l’ennemi et le neutre disparaissent corollairement et, par conséquent, aussi la politique. En effet, un monde sans conflictualité, un monde pacifié est un monde sans distinction ami et ennemi et, par là même, un monde sans politique. La guerre moderne a ceci de spécifique qu’elle ajoute à cette dialectique ami/ennemi un élément moral. Dès lors, l’ennemi n’est plus simplement une catégorie politique, il devient aussi une catégorie morale. En conséquence, l’ennemi étant le mal incarné, il convient de le détruire intégralement par tous les moyens (bombardement des populations civiles, armes atomiques, criminalisation de l’ennemi et fin du statut d’ennemi et de ses droits). Mais la guerre ne peut jamais être religieuse, économique ou morale. Ces motifs peuvent devenir politiques quand ils entraînent la mise en place de la configuration amis et ennemis. La guerre n’est alors que l’actualisation ultime de cette conflictualité.

Qui définit cette opposition entre amis et ennemis ? Celui qui est souverain à savoir celui qui est capable de trancher une situation exceptionnelle, celui qui peut déclencher l’état d’urgence. Cette personne peut être le monarque ou l’État lorsqu’il représente l’unité politique du peuple. Dans le monde moderne, cette décision appartient à l’État. Elle suppose un peuple politiquement uni, prêt à se battre pour son existence et son indépendance en choisissant son propre chef ce qui relève de son indépendance et de sa liberté. Lorsqu’un peuple accepte qu’un tiers ou un étranger lui dicte qui est son ennemi, il cesse d’exister politiquement.

La tâche première de l’État est de pacifier l’intérieur car sinon pas de norme possible. Une communauté n’est politique que si elle est en capacité et en volonté de désigner son ennemi. Cette capacité fonde l’unité politique du groupe en-dessous duquel les entités extérieures sont placées par ce dernier. On retrouve la même idée chez les grecs avec la notion de barbares. Dans la conception libérale de l’économie, chaque agent est libre. Il peut donc décider tout seul des causes pour lesquelles il souhaite agir. Aucune entité collective ne peut rien lui imposer. Dans le monde économique, il est facile d’écarter le gêneur sans user de la violence. On peut le racheter ou le laisser mourir. Il en est de même dans le monde culturel : c’est la norme qui entraîne la mort sociale. Mais en ce qui concerne la politique, des hommes peuvent être obligés de tuer d’autres hommes pour des raisons d’existence.

Le monde est une pluralité politique. En effet, une unité politique définit un ennemi qui constitue alors lui aussi une unité politique. Il n’existe pas d’État universel. Le jour où il n’y aurait plus d’ennemis sur terre, il n’y aurait plus non plus de politique et d’État. Sans État, il ne reste plus que l’économie et la technique. L’auteur précise :

« Le concept d’humanité est un instrument idéologique particulièrement utile aux expansions impérialistes, il est un véhicule spécifique de l’impérialisme économique. On peut appliquer à ce cas, avec la modification qui s’impose, un mot de Proudhon : " Qui dit humanité veut tromper ". »

Un ennemi de cette humanité n’est donc plus humain. Il devient alors possible de l’exterminer totalement. La notion d’humanité est apparue au XIXe siècle pour contrer l’ordre ancien et lui substituer des concepts individualistes, comme le droit naturel, applicables à tout le genre humain. La Société des Nations de 1919 n’est ni universelle, ni internationale. L’adjectif international, se définissant comme la négation des barrières étatiques, est à distinguer de l’adjectif interétatique qui suppose des relations entre États sans nier leur délimitation. La Troisième Internationale a une connotation internationale. La Société des Nations serait plutôt une alliance de nations contre d’autres.

Le libéralisme se fonde sur une vision anthropologique optimiste de l’homme : l’homme est bon et sa raison produit la société qui est à opposer à l’État. Pour Schmitt, les vrais penseurs politiques comme Taine, Machiavel, Fichte, Hegel, De Maistre ou Donoso Cortes adoptent une position inverse. Les hommes sont par nature mauvais, l’État les transcende. Hegel définissait le bourgeois comme « cet homme qui refuse de quitter sa sphère privée non-politique, protégé du risque, et qui, établi dans la propriété et dans la justice qui régit la propriété privée, se comporte en individu face au tout, qui trouve une compensation à sa nullité politique dans les fruits de la paix et du négoce, qui la trouve surtout dans la sécurité totale de cette jouissance, qui prétend par conséquent demeuré dispensé de courage et exempt du danger de mort violente ». Dans un monde où les hommes sont bons, il n’est plus besoin de prêtres pour guérir du péché, ni de politiciens pour combattre l’ennemi. La société libérale s’en remet au Droit comme norme supérieure ce qui est illusoire car le Droit n’est que le produit de ceux qui l’établissent et l’appliquent.

L’essence du libéralisme est antipolitique. Il existe une critique libérale de la politique mais pas de vision libérale de la politique. Le libéralisme suppose un abaissement du rôle de l’État le limitant à concilier les libertés individuelles. Il substitue à l’État et à la politique la morale et l’économie, l’esprit et les affaires, la culture et la richesse. Cette idéologie commence et s’arrête à l’individu. Rien ne peut contraindre un individu à se battre pour le groupe ou pour l’État. Dans l’optique libérale, l’État n’a pour unique but que de permettre l’accomplissement de la liberté humaine mais certainement pas de la contraindre. La lutte politique devient une concurrence économique (les affaires) et une joute verbale (l’esprit). La fixité de la paix et de la guerre est remplacée par l’éternel concurrence des capitaux et des égos. L’État devient la Société vue comme le reflet de l’Humanité. La société correspond à une unité technique et économique d’un système uniforme de production et de communication.

Les libéraux se sont indéniablement trompés. Le monde n’est pas rationalisable, réductible à une formule mathématique et le commerce n’a pas permis la paix. La science et la technique n’ont pas remplacé la violence et le rapport de forces. Hegel avait placé l’État au-dessus de la société. C’est désormais la société qui domine l’État. L’économique et la technique ont pris l’ascendant sur toutes les autres sphères mais rien ne pourra jamais définitivement annihiler le politique.

Carl Schmitt conclut son ouvrage sur le constat suivant :

« Nous sommes à même de percer aujourd’hui le brouillard des noms et des mots qui alimentent la machinerie psychotechnique servant à suggestionner les masses. Nous connaissons jusqu’à la loi secrète de ce vocabulaire et nous savons qu’aujourd’hui c’est toujours au nom de la paix qu’est menée la guerre la plus effroyable, que l’oppression la plus terrible s’exerce au nom de la liberté et l’inhumanité la plus atroce au nom de l’humanité […] Nous reconnaissons le pluralisme de la vie de l’esprit et nous savons que le secteur dominant de notre existence spirituelle ne peut pas être unDOMAINE neutre […] Celui qui ne se connaît d’autre ennemi que la mort […] est plus proche de la mort que de la vie […] Car la vie n’affronte pas la mort, ni l’esprit le néant de l’esprit. L’esprit lutte contre l’esprit et la vie contre la vie, et c’est de la vertu d’un savoir intègre que naît l’ordre des choses humaines. »

A travers cet ouvrage court, exigeant et précis, Carl Schmitt, dans son style habituel, très éloigné de la prose juridique, donne des clés de lecture intéressantes du monde moderne. Sa vision de la politique est utile pour comprendre à quel point notre monde est dépolitisé. De nos jours, les cartes sont brouillées par les dirigeants politiques. L’indistinction généralisée règne. On ne distingue plus l’ami de l’ennemi, le citoyen du migrant, l’homme de la femme, l’homme de l’animal, le catholique du musulman ou du juif ou encore le bien du mal. Face ce délitement de l’État et de la société, lire Carl Schmitt permet de mieux comprendre les dessous conceptuels de l’effondrement du monde contemporain.

Karl Peyrade.
 

[1Math. 5, 44

[2De la guerre (1955)

mercredi, 11 janvier 2017

La grande santé intellectuelle de Charles Robin

La grande santé intellectuelle de Charles Robin

par Pierre Le Vigan

Ex: http://metamag.fr

itineraire-gauchiste-repenti-charles-robin-editions-krisis.jpgDepuis quelques années, Charles Robin est connu pour travailler sur un sujet qui lui vaut quelques ennemis. Il s’agit de l’analyse philosophique du libéralisme. Il étudie le libéralisme en philosophe, ce qui n’est pas la même chose que d’étudier la philosophie libérale (qui a beaucoup évolué du reste).

Victor Hugo distinguait, sous la Restauration, un « libéralisme destructeur » et un « libéralisme conservateur ». Toute l’analyse de Charles Robin consiste à expliquer que le libéralisme ne peut être que destructeur s’agissant des liens sociaux non marchands. Le libéralisme ne peut pas être conservateur de ce qu’il y a de bon à conserver, comme les mœurs de dons et de contre dons des sociétés traditionnelles. Les conservateurs d’une certaine socialité décente et populaire ne peuvent donc pas être libéraux. Et cet écart critique au libéralisme ne peut être que global, à savoir qu’il s’agit de s’opposer au libéralisme économique mais aussi au libéralisme politique (en tant qu’il organise l’impuissance du politique) et sociétal (dont le fruit est le libéralisme libertaire).

Cette analyse de Charles Robin se situe dans la lignée de Jean-Claude Michéa et de Michel Clouscard – qui n’avait toutefois pas toute la rigueur du premier. Alain Soral a popularisé ces thèmes lui aussi sur Egalité et réconciliation. Plutôt que de discuter sur le fond des argumentations solides, étayées de références de Charles Robin, « on » a préféré l’isoler, le « discriminer » (sic) sur la base de ceux qui aiment à le lire, à le citer, à mettre en ligne ses conférences. Discrimination ? C’est le mot moderne pour éviter de parler d’injustice. Car il est injuste de mettre sur la touche Charles Robin parce qu’il ne pense pas dans les clous. Mais aussi parce que ses idées sont reprises par des sites numériques ou des maisons d’éditions dites « confusionnistes » (sic) voire « conspirationnistes ».

De fait, Charles Robin n’est « pas clair » au regard du système

Cela veut tout simplement dire qu’il n’est pas aligné et qu’il pense ce qu’il écrit en écrivant ce qu’il pense. Où irait-on si tout le monde faisait comme lui ? Il était temps d’y mettre le holà. Les gardiens du politiquement correct s’y sont attelés. Comme quoi le système existe bien et « fonctionne ». Il persiste dans son être. Il persévère dans son conatus, pour employer un langage familier de Charles Robin.

Qu’est-ce que on ne lui pardonne pas ? C’est que Charles Robin, puisqu’il pense vraiment que la gauche internationaliste est devenue la même chose que la droite mondialiste, le dit et refuse de se dire encore de gauche ou d’extrême gauche. Pour autant, il n’a pas rallié une quelconque droite extrême. Il fréquente les non-alignés, les journalistes indépendants. On peut présumer que dialoguer avec les gens d’Eléments ne veut pas dire être en accord avec toutes les lignes parues dans cette revue, mais c’est un fait que les revues ouvertes à la liberté d’expression se font rares. Elles sont d’autant plus précieuses.

Il faut donc lire et écouter Charles Robin là où on peut le faire et, pour l’instant, force est de constater que ce n’est pas sur le site de la fondation Jean Jaurès (fondation proche du P.S). Il faut travailler les textes de Jean Robin, les lire crayon en main. La matière de son dernier livre est riche. Les textes Etre cause de soi et Sagesse anarchiste sont particulièrement passionnants. Décidément, dans un monde formaté par le Capital, il faut être attentif aux marges de l’esprit.

Charles Robin, Itinéraire d’un gauchiste repenti, Krisis, 200 pages, 18 €

mardi, 10 janvier 2017

Salut à Boutang !

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Salut à Boutang !

par Georges FELTIN-TRACOL

boutangsoulié.jpg« Le 20 septembre 2016, Boutang aurait eu cent ans (p. 14). » Jeune étudiant toulousain, Rémi Soulié le découvre en 1987 par l’intermédiaire de ses entretiens télévisés avec George Steiner. Séduit, il lui écrivit. S’en suivit ensuite une décennie de correspondances épistolaires, de visites fréquentes et d’appels téléphoniques nombreux jusqu’à la mort de Pierre Boutang, le 27 juin 1998.

Disciple zélé et talentueux de Charles Maurras, le royaliste orléaniste intransigeant Pierre Boutang fut à la fois philosophe, romancier, journaliste, critique littéraire et redoutable pamphlétaire. Révoqué de l’Université pour avoir rallié le général Giraud en 1942, Boutang fonda un journal, La Nation française, dans lequel s’exprimaient l’« historien du dimanche » Philippe Ariès et le critique de cinéma Philippe d’Hugues, soutint la cause de l’Algérie française avant d’approuver l’action néo-capétienne de Charles De Gaulle en qui il espéra un moment une éventuelle restauration monarchique en faveur du comte de Paris. Ayant appris à lire dans les colonnes de L’Action française, Boutang partage l’antisémitisme d’État de son maître à penser, puis se fait le vibrant défenseur du sionisme et de l’État d’Israël peut-être parce qu’il « voit dans Israël un modèle théocratique moderne, la théocratie étant le contenu latent de son rêve (p. 58) ».

Rémi Soulié ne développe pas le parcours intellectuel de son ami parfois sujet à de vives colères ainsi que d’« engueulade en hurlements majeurs (p. 100) ». « Quel caractère de cocon ! (p. 101) », poursuit-il plus loin, ajoutant que « Boutang, c’est Ivan le Terrible, Attila, Tamerlan et Gengis Khan en un seul homme (p. 109) ». Bref, « faute d’avoir trouvé un sage équilibre intérieur entre la paix et l’épée, Boutang ne (se) maîtrisait pas (p. 14) ». Ce tempérament difficile n’empêche pas que « Boutang s’enflamme comme un enfant. Il a des accès d’enthousiasme politique comme j’ai des quintes de toux. Comment fait-il pour rester aussi naïf après tant d’années de combats et de revers, alors qu’il est plus que prévenu contre la démocratie dite libérale et représentative ? (p. 99) ». Cette remarque surprend. En effet, « Maistre et Boutang partagent une même idée de la politique. […] Pour eux comme pour Donoso Cortés, Blanc de Saint-Bonnet et toute l’école de la pensée catholique traditionnelle, les principes de la politique ne se peuvent penser qu’à partir de l’Incarnation, du Dieu un et trine, bref, de la théologie (p. 17) ». Rémi Soulié assène même qu’« au fond, Boutang reste trop biblique (p. 99) ». « Coléreux et généreux, tendre et tyrannique, cet ogre fut un homme de passion [… qui] a construit une œuvre philosophique et polémique parfois hermétique mais qui porte à incandescence les facultés de l’esprit (p. 14). »

Un temps proche des royalistes de gauche de la NAF (Nouvelle Action française) qui deviendra plus tard la NAR (Nouvelle Action royaliste) animée par Bertrand Renouvin et Gérard Leclerc, Pierre Boutang connaît à la perfection les mécanismes démocratiques. « Il travaillait sur la notion platonicienne de “ théâtrocratie ”. Il y voyait le concept idoine à l’intelligence des temps spectaculaires (p. 138). » Parfois suspicieux envers certains titres de Jünger – tels La Paix -, il reconnaît néanmoins volontiers que « l’anarque est celui qui échappe à toute arché. Sont bonnes toutes les archies (monarchies, anarchie…), et détestables toutes les craties (démocratie, ploutocratie…) (p. 101) ».

Il n’est pas anodin si l’ouvrage s’ouvre sur une étude fouillée consacrée à « Pierre Boutang et Joseph de Maistre » au croisement de l’histoire des idées politiques, de la philosophie et de la métapolitique, terme déjà employé par l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg. Cela peut surprendre chez quelqu’un qui se référait habituellement au philosophe italien Vico. Rémi Soulié insiste aussi sur « l’axe biographique, politique, métaphysique et théologique fondamental pour Boutang : la paternité et la filiation (p. 45) ». Sa pensée s’articule donc autour de ces deux notions qui fondent la nationdans son acception étymologique.

Pour saluer Pierre Boutang est un essai lumineux sur une vie, une personnalité et une œuvre complexe qui devraient probablement faire l’objet d’une étude exhaustive. Les écrits de Boutang peuvent encore avoir aujourd’hui une résonance particulière. Le supposé « populisme chrétien » décrit par Patrick Buisson dans La cause du peuple y puiserait des idées susceptibles de le rendre effectif, cohérent et combatif. George Steiner le considérait d’ailleurs comme « la voix philosophique de l’aile autoritaire de la droite contemporaine en France (p. 16) ». Les jeunes catholiques non-conformistes du début du XXIe siècle auraient par conséquent tout intérêt à redécouvrir ce philosophe engagé après avoir médité le beau livre de Rémi Soulié.

Georges Feltin-Tracol

• Rémi Soulié, Pour saluer Pierre Boutang, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 141 p., 21 €.

jeudi, 05 janvier 2017

Nacional Justicialismo

Peron and Eva Duarte Peron painted by Numa Ayrinhac close up Casa Rosado Buenos Aires.jpg

Nacional Justicialismo

Ex: http://tercerapn.blogspot.com 


El Movimiento Nacional Justicialista o peronismo es un movimiento de masas argentino creado alrededor de la figura de Juan Domingo Perón que protagonizó los últimos 60 años de la historia de Argentina. El nombre formal del partido es Partido Justicialista.
 
Origen
 
El peronismo surge posteriormente al golpe de estado de 1943 que dio origen a la llamadaRevolución del 43, encabezado por los generales Arturo Rawson y Pedro Pablo Ramírez, y apoyado entre otros por un grupo de jóvenes oficiales del Ejército Argentino nucleados en el Grupo de Oficiales Unidos(GOU), que se oponía a la participación argentina en la Segunda Guerra Mundialsosteniendo la tradicional posición "neutralista"de la Argentina.

El GOU fue un grupo de enlace bastante informal entre jóvenes oficiales superiores que consideraban necesario"restablecer la moral y disciplina dentro del ejército". Este grupo se declaraba en contra del comunismo.

Los fundadores que formaron el núcleo inicial (diecisiete oficiales) eran amigos que habían decidido encontrarse regularmente, el coronel Saavedra y el coronel Mittelbach, porque compartían las mismas inquietudes, concluyendo que era necesario organizar y unificar a los oficiales de todas las guarniciones.

Emilio Ramírez, Juan Domingo Perón, y Urbano de la Vega, fundadores del GOU, formaban parte del estado mayor revolucionario antiyrigoyenista.

El programa del GOU se convirtió finalmente en el programa de la revolución del 43. En realidad, el GOU recién se formaliza operativamente después de la revolución de junio, como una especie de prolongación del ministerio de Guerra del que Perón era secretario. Allí era donde se imprimían las circulares del GOU con los mimeógrafos oficiales. El general Farrell, ministro de Guerra, y su esposa Beatriz Verdún convocaban a los jefes y oficiales para que se encontraran con el mismo Perón.

Situación económica y política del país

La estructura económica del país había cambiado profundamente durante la década del 30, debido a la gran depresión que provocó una reducción importante del comercio internacional. Esto afectó a la economía argentina, basada en la agroexportación, que hubo de reconvertirse mediante el control del mercado de carnes y granos y una acelerada industrialización basada en la sustitución de importaciones de los productos manufacturados. Este proceso fue acompañado de un importante flujo migratorio interno desde las zonas rurales del interior hacia la periferia de las grandes ciudades (fundamentalmente Buenos Aires, Rosario y Córdoba). Estas nuevas masas populares, empleadas en las nuevas industrias y sin antecedentes de sindicalización, son las que constituirán la base del movimiento peronista.

Las primeras elecciones (24 de febrero de 1946)

Se puede fechar el nacimiento del movimiento peronista el 17 de octubre de 1945 cuando las movilizaciones populares organizadas por la Confederación General del Trabajo Argentina de Ángel Borlenghi lograron la liberación de Juan Domingo Perón, quien había sido encarcelado por sectores militares opuestos a su influencia creciente en el gobierno. Desde este momento, Perón se convirtió en el candidato oficial del régimen para las elecciones presidenciales de 1946. Perón se presentó como candidato del Partido Laborista, llevando como vicepresidente a Hortensio Quijano, un radical de la disidente Junta Renovadora. Las elecciones polarizaron al país: por un lado el peronismo, sustentado por el gobierno militar, los sindicalistas de la CGT y grupos yrigoyenistas del radicalismo, U. C. R. Junta Renovadora o FORJA (Donde se encontraban reconocidas personalidades como Arturo Jauretche, Raúl Scalabrini Ortiz, etc.), y de los conservadores de las provincias del interior, y por el otro la Unión Democrática cuya fórmula era Tamborini/Mosca y cuya proclama general, leída durante el acto de cierre de campaña, expresaba como objetivo: "Cerraremos definitivamente el paso a las hordas que agravian la cultura convertidos en agentes de una dictadura imposible…"

La Unión Democrática era impulsada por la Unión Cívica Radical e integrada por los partidos Socialista, Demócrata Progresista, el Partido Comunista y los conservadores de la Provincia de Buenos Aires. En estas elecciones, los Estados Unidos -que no le perdonaban a Perón su neutralidad en la Segunda Guerra Mundial y sus definiciones nacionalistas-, asumieron una participación directa y activa, a través de su embajador Spruille Braden. Este hecho provocó que el peronismo hiciera su campaña en base a la autodeterminación argentina frente a la prepotencia imperialista de Estados Unidos y le permitió acuñar un eslogan que se reveló decisivo: "Braden o Perón". Triunfó Perón, con el 56% de los votos.
 

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La primera presidencia de Perón

Tras asumir la presidencia, Perón comienza rápidamente a consolidar su poder. En lo interno, disuelve al Partido Laborista y lo integra en el nuevo Partido Peronista (llamado brevemente Partido Único de la Revolución), del que Perón es el primer afiliado (29 de enero de 1947), y que contará con tres ramas: la sindical (la CGT, única confederación sindical permitida), la política y, a partir de 1952, al permitirse el voto a la mujer, la rama femenina. Más tarde se considerará a la Juventud Peronista como cuarta rama del Movimiento. Por otra parte se procedió a la remoción vía juicio político de los miembros de la Corte Suprema de Justicia, a excepción del Dr. Tomás Casares y en 1949 se convocaron elecciones para la Asamblea Constituyente que dictó una nueva Constitución acorde con los principios del peronismo.

El gobierno peronista fue duro con la oposición política y sindical, algunos de cuyos dirigentes fueron arrestados a pesar de los fueros parlamentarios, como fue el caso de Ricardo Balbín o Alfredo Palacios. Durante las décadas posteriores, se acusó reiteradamente al gobierno peronista de discriminación político partidaria (discriminación posteriormente aplicada cuando los otros partidos prohibieron el partido peronista durante los 60), sobre todo en el ámbito educativo. Se afirmó que en las universidades nacionales se despedía a los profesores disidentes, y que se impedía ejercer a docentes si no estaban afiliados al partido peronista. Se impulsó a la CGU (Confederación General Universitaria) como representante de los estudiantes en oposición a la mayoritaria FUA (Federación Universitaria Argentina), conducida en ese entonces por el Partido Comunista. Con un criterio similar, se creó la UES (Unión de Estudiantes Secundarios).

A partir de 1950, la situación económica comienza a empeorar y un nuevo ministro de Asuntos Económicos, Alfredo Gómez Morales, aplicó medidas de corte ortodoxo. Aún así, Perón vuelve a triunfar en 1952.

El Estado del bienestar y la economía del primer peronismo

La llegada del peronismo al poder en democracia se produce en plena posguerra mundial, lo cual significaba la debilidad económica de una Europa en ruinas, y el liderazgo creciente de Estados Unidos en el Hemisferio Occidental. En este escenario, Argentina se encontraba por primera vez en su historia en la posición de acreedor de los países centrales, gracias a las exportaciones de carnes y granos a las potencias beligerantes. El principal deudor era el Reino Unido que ante la emergencia declaró su iliquidez, bloqueando la libre disponibilidad de esos montos. El gobierno peronista optó por utilizar esos créditos para adquirir empresas de servicios públicos de capital británico.

La bonanza económica de la Argentina continuaba, impulsada por el creciente mercado que se había formado por la baja de las importaciones provenientes de los países en guerra. Esto permitió al gobierno aplicar una vasta política de bienestar que incluía la efectivizacion de nuevos derechos sociales, como períodos de vacaciones y descanso, planes de vivienda, inversiones en salud y educación, etcétera. Estas conquistas sociales fueron ampliamente capitalizadas por las figuras de Perón y su esposa, Eva Perón, que manejaba una fundación de asistencia social financiada principalmente con fondos estatales y algunos aportes empresarios. Las nacionalizaciones y estatizaciones de los servicios públicos, como los ferrocarriles británicos, fueron conquistas de soberanía e independencia económica.

No obstante, el contexto mundial pronto dejó de ser favorable ya que los Estados Unidos mediante el Plan Marshall, comenzó a ubicar sus excedentes agrícolas en Europa limitando el acceso al mercado de los alimentos argentinos.

A partir de 1950, la situación económica comienza a empeorar y un nuevo ministro de Asuntos Económicos, Alfredo Gómez Morales, aplicó medidas de corte ortodoxo, como el ajuste del gasto público.
 

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Situación político-económica durante la segunda presidencia de Juan Domingo Perón

Durante la Segunda Guerra Mundial, Argentina llenó sus arcas de dinero mediante la exportación de materias primas (cereales y carnes, principalmente) a los países beligerantes europeos (sobre todo a Gran Bretaña). Fue una época de gran prosperidad para el país. Sin embargo, dicha situación cambió, ya que Estados Unidos colocó sus excedentes agrícolas en Europa, lo cual generó que se limitaran las exportaciones de Argentina. Además, en 1949, los mercados se retrajeron y esto trajo aparejado una gran reducción en las exportaciones argentinas (de productos primarios). Por otra parte, las reservas acumuladas se consumieron desmesuradamente, finalizando de este modo, con el período de gran prosperidad económica. La crisis tocaba la puerta del país.

No obstante a lo acontecido, el gobierno tenía la esperanza de que el desarrollo de la industria sacara al país de la situación en la cual se encontraba. Pero para ello, era necesario el uso de combustibles, acero, maquinarias y demás repuestos que el país, en ese momento, carecía. Por ende, tuvo que acudir a la cruel decisión de importarlos. Por este motivo, el desarrollo industrial no resultó fácil, y desencadenó las peores consecuencias: inflación y desocupación.

Para romper el esquema y para cambiar las circunstancias, es decir, para salir de la situación, en 1952, el gobierno decidió llevar a cabo un segundo plan Quinquenal, el cual tuvo vigencia entre 1953 y 1957. Este, planteaba básicamente como objetivo fundamental, asegurar el desarrollo de la economía social por medio de actividades que ayuden a gestar la independencia económica del país. Con este fin, el Estado se reservaba el manejo del comercio exterior, guiado por el propósito de defender la producción Nacional y obtener términos de intercambios justos y equitativos. Su empresa estaba también orientada a la consolidación y diversificación de los mercados de importación y exportación, en los cuales, obviamente, se veía involucrado el país.

Además se hicieron algunos ajustes, que consistieron en: restringir el consumo interno, por lo cual fueron eliminados subsidios a diversos bienes de uso popular; se estableció una veda parcial al consumo de carne; y se levantó el congelamiento de los alquileres. Por otra parte se proclamó "la vuelta al campo", donde el Instituto Argentino de Promoción del Intercambio (IAPI) invirtió su mecanismo y emprendió la tarea de estimular a los productores rurales con precios retributivos.

Según Luis Alberto Romero, "Esta política apuntaba a aumentar la disponibilidad de divisas para seguir impulsando el desarrollo del sector industrial."

Para desarrollar el sector industrial y salir de la crisis (la cual había generado disconformidad en los sindicatos y en el Ejército) se limitó el crédito industrial y el uso de las divisas, y se dio prioridad a las empresas grandes, sobre todo, a las industrias de bienes de capital. Uno de estos casos, fue la reactivación de la empresa siderúrgica SOMISA. Otra medida consistió en el congelamiento por dos años de los contratos colectivos de trabajo. Otro ‘gesto’ importante del Estado fue que, en 1955, incentivó que empresarios y sindicalistas se juntaran para discutir sobre temas inherentes a las relaciones laborales. También, el gobierno, se enfocó en atraer capitales extranjeros. Un proyecto de gran importancia fue el petrolero. Argentina realizó un acuerdo con una filial de la Standard Oilde California, que consistía en la explotación de 40.000 (cuarenta mil) hectáreas en la provincia de Santa Cruz.

Todas estas medidas generaron la reducción de la inflación, y el re-equilibrio de la balanza de pagos. Pese a eso, no se obtuvieron cambios significativos en lo que respecta al agro y a la industria.

El Golpe militar de 1955

Sucesivos enfrentamientos con la iglesia y con los sectores más conservadores del agro y la industria, enrarecen el clima político.

El 16 de septiembre de 1955, el ejército que se identificaba con el liberalismo, al mando de Eduardo Lonardi, produjo el tercer Golpe de Estado en la Argentina.

Esos sectores comenzaron a conspirar, entonces, para derrocar a Perón. Organizaron un golpe de Estado con la decisiva participación de oficiales del Ejército y principalmente de la Marina. Las razones del descontento anidaban en el creciente enfrentamiento de Perón con la Iglesia Católica.

En verdad, la crisis económica había precipitado también la puja distributiva: el sector más rico y propietario, del campo o la industria, no estaba dispuesto a tolerar una distribución del ingreso semejante: el 50 por ciento del PBI pasaba a los trabajadores.

Los gobiernos que se sucedieron entre 1955 y 1973 -tanto civiles como militares-, mantuvieron la proscripción del Peronismo, prohibiendo la participación política del partido y del movimiento.

desca3.jpgBombardeo a Plaza de Mayo

El primer intento golpista ocurrió el 16 de junio de 1955. Con el objetivo de matar a Perón, aviones de la Marina y de la Fuerza Aérea, con escaso apoyo del Ejército, bombardearon la Plaza de Mayo. Fue una masacre de ciudadanos de a pie. Se estimó en unos mil muertos, aunque las cifras oficiales nunca se conocieron. Perón se había refugiado en el Ministerio de Guerra y los conspiradores finalmente se rindieron.

Ese accionar tensó aún más la furia de los peronistas. Esa noche, varias iglesias fueron incendiadas. Perón hizo algunas concesiones entonces: defenestró a varios ministros para aplacar la furia opositora. Pero era tarde. El 16 de septiembre estalló un levantamiento en Córdoba encabezado por el general Eduardo Lonardi y secundado por el general Pedro Eugenio Aramburu. Las tropas leales a Perón no pudieron sofocarlo. La Marina, liderada por el almirante Isaac Rojas, encabezó el golpe contra Perón: sus naves bloquearon Buenos Aires y su estado mayor amenazó con volar los depósitos de combustible de La Plata y Dock Sud.

El Ministro de Guerra, General Lucero, pidió parlamentar y leyó una carta en la que Perón solicitaba la negociación de un acuerdo. La carta no hablaba de renuncia, sí de renunciamiento, pero la Junta de Generales Superiores del Ejército decidió considerarla como una renuncia y negociar con los golpistas, mientras miles de peronistas fieles, encolumnados detrás de la CGT pedían armas para defender a lo que consideraban su gobierno.

El 20 de septiembre Perón se refugió en la embajada del Paraguay y en la Cañonera que lo llevó a Asunción y a lo que sería el comienzo de su largo exilio de casi 17 años.

Ideología

El peronismo ha acogido numerosas tendencias ideológicas que han entrado permanentemente en conflicto con el correr de los años.

Desde su aparición en la escena política nacional, el peronismo fue definido por Perón como un Movimiento Nacional, que englobaba un sector social denominado "clase trabajadora". Este apelativo, que inicialmente fue un eufemismo utilizado por el General para distinguir su concepción "nacional y popular" de los criterios "marxistas proletarios", se convirtió en un breve lapso en una definición doctrinaria que afirmaba para el peronismo la oposición a la lucha de clases. En ese marco, el Movimiento Peronista comprendía (idealmente) a todos aquellos que podían coincidir con los conceptos de Justicia Social, Soberanía Política e Independencia Económica. Esta interpretación de Perón posibilitó el inesperado crecimiento de su estructura política y la llevó a niveles de representatividad popular que jamás se habían alcanzado en América Latina.

Sin embargo, para mantener esa situación era necesario concentrar permanentemente la posibilidad de generar doctrina, ya que la masividad del movimiento exigía contentar y contener a sectores con intereses contradictorios. La interpretación de la realidad no podía entonces quedar en manos de una estructura colegiada, que obligatoriamente hubiera generado conflictos y disidencias internas y externas reduciendo a mediano plazo el caudal de poder del Movimiento. Perón concentra sobre sí esa tarea con exclusividad, generando un Consejo Superior del cual era, en la práctica, el único integrante con voz y voto. Asimismo, si entre el Consejo Superior y las bases del Movimiento existieran intermediarios, la doctrina sería mediatizada por ellos y adecuada a sus intereses sectoriales, lo que terminaría encorsetando al propio Perón.

Se adopta entonces el modelo de comunicación directa entre el líder y las masas: un movimiento absolutamente horizontal, con un único emergente. Para confirmar este análisis, surge claramente el ejemplo de Evita, que en poco tiempo comienza a cumplir ese rol de intermediaria entre el conductor y el pueblo. El discurso y el accionar de Evita mediatizan la doctrina hasta tal punto que el movimiento se sectoriza rápidamente. Comienza a generarse la división de intereses que Perón procuraba evitar. La absoluta inclinación de Evita hacia los llamados "descamisados", genera resquemores, miedo e indignación entre los militares, la iglesia y la clase media, que inicialmente aceptaban a Perón, en tanto su proyecto fuera difusamente humanitario y "justicialista".

La dicotomía peronista entre Movimiento y Partido

El movimiento, en tanto masivo, garantiza el poder. Pero ese poder se formaliza en el gobierno y, por consiguiente, en una estructura capaz de ganar elecciones. Esa estructura no puede ser un partido tradicional -en la medida que sus integrantes (generalmente de clase media) empezarían a definir políticas-, ni un partido revolucionario, porque obligaría a adoptar una ideología obrera (y el abandono de la "Tercera Posición"). Surge así la concepción peronista del partido como "herramienta electoral".

En el campo de las relaciones internacionales, Perón abogó siempre por esa tercera posición equidistante entre elcomunismo soviético y el capitalismo estadounidense, lo que lo llevó a apoyar al Movimiento de Países No Alineados y buscar puntos de contacto con Gamal Abdel Nasser y Jawaharlal Nehru. Hizo siempre profesión de fe latinoamericanista ("El año 2000 nos encontrará unidos o dominados") y cultivó buenas relaciones con gobernantes de la región: Alfredo Stroessner de Paraguay, Marcos Pérez Jiménez (Venezuela), Omar Torrijos (Panamá) (todos le darían asilo luego del golpe de estado de 1955 antes de recalar en la España de Francisco Franco), así como con el Partido Nacional de Uruguay y el gobierno de Carlos Ibáñez del Campo en Chile.

descamisados.jpgLas Veinte Verdades Peronistas

"Estas son las Veinte Verdades del Justicialismo Peronista. He querido reunirlas así para que cada uno de ustedes las grabe en sus mentes y sus corazones; para que las propalen como un mensaje de amor y justicia por todas partes; para que vivan felices según ellas y también para que mueran felices en su defensa si fuera necesario..." (Juan Perón, 17 de octubre de 1950)

  1. La verdadera democracia es aquella donde el gobierno hace lo que el pueblo quiere y defiende un solo interés: el del pueblo.
  2. El Peronismo es esencialmente popular. Todo círculo político es antipopular, y por lo tanto, no es peronista.
  3. El peronista trabaja para el Movimiento. El que en su nombre sirve a un círculo, o a un caudillo, lo es sólo de nombre.
  4. No existe para el Peronismo más que una sola clase de hombres: los que trabajan.
  5. En la Nueva Argentina el trabajo es un derecho que crea la dignidad del hombre y es un deber, porque es justo que cada uno produzca por lo menos lo que consume.
  6. Para un Peronista de bien, no puede haber nada mejor que otro Peronista.
  7. Ningún Peronista debe sentirse más de lo que es, ni menos de lo que debe ser. Cuando un Peronista comienza a sentirse más de lo que es, empieza a convertirse en oligarca.
  8. En la acción política la escala de valores de todo peronista es la siguiente: primero la Patria, después el Movimiento, y luego los Hombres.
  9. La política no es para nosotros un fin, sino sólo el medio para el bien de la Patria, que es la felicidad de sus hijos y la grandeza nacional.
  10. Los dos brazos del Peronismo son la Justicia Social y la Ayuda Social. Con ellos damos al Pueblo un abrazo de justicia y de amor.
  11. El Peronismo anhela la unidad nacional y no la lucha. Desea héroes pero no mártires.
  12. En la Nueva Argentina los únicos privilegiados son los niños.
  13. Un gobierno sin doctrina es un cuerpo sin alma. Por eso el Peronismo tiene su propia doctrina política, económica y social: el Justicialismo.
  14. El Justicialismo es una nueva filosofía de vida simple, práctica, popular, profundamente cristiana y profundamente humanista.
  15. Como doctrina política, el Justicialismo realiza el equilibrio del derecho del individuo con la comunidad.
  16. Como doctrina económica, el Justicialismo realiza la economía social, poniendo el capital al servicio de la economía y ésta al servicio del bienestar social.
  17. Como doctrina social, el Justicialismo realiza la Justicia Social, que da a cada persona su derecho en función social.
  18. Queremos una Argentina socialmente justa, económicamente libre, y políticamente soberana.
  19. Constituimos un gobierno centralizado, un Estado organizado y un pueblo libre.
  20. En esta tierra lo mejor que tenemos es el Pueblo.

Influencia del peronismo en la cultura argentina

Desde sus orígenes el peronismo estuvo fuertemente relacionado con la cultura popular en Argentina, partiendo de la propia Eva Perón, actriz con cierto éxito. Tuvo la adhesión de intelectuales (Leopoldo Marechal, Rodolfo Puiggrós, Juan José Hernández Arregui, Raúl Scalabrini Ortiz, Arturo Jauretche, John William Cooke); de músicos, compositores y deportistas (Hugo del Carril, Enrique Santos Discépolo, Homero Manzi, José María Gatica), y juristas, médicos y profesionales (Arturo Sampay, Ramón Carrillo).
 
La televisión en Argentina se inició el 17 de octubre de 1951 con la transmisión del acto del Día de la Lealtad Peronista en la Plaza de Mayo. Durante los dos primeros mandatos presidenciales de Perón, el cine argentino tuvo un importante desarrollo y difusión a nivel hispanoamericano, generando obras maestras como Las aguas bajan turbias de Hugo del Carril.

mardi, 03 janvier 2017

« Adieu l’Argent-Roi ! Place aux héros européens » de Marc Rousset

roussetargent.jpg

Cartouches pour 2017 :

« Adieu l’Argent-Roi ! Place aux héros européens » de Marc Rousset

par Michel Lhomme, philosophe, politologue 

Ex: http://metamag.fr 

L’héroïsme est fondateur des cultures. Commentant sa résilience, Boris Cyrulnik souligne que « la vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l’on vive. Les héros vivent dans un monde de récits merveilleux et terrifiants. Ils sont faits du même sang que le mien, nous traversons les mêmes épreuves de l’abandon, de la malveillance des hommes et de l’injustice des sociétés. » Aucun thème n’est plus incontournable pour comprendre notre actualité, faire face et ne pas désespérer de l’avenir que l’héroïsme.

Il ne manque pas d’analyses pertinentes, fouillées, concernant nos sociétés occidentales et leur devenir. Nous savons combien il est difficile d’analyser de telles sociétés parce qu’elles sont souvent traversées d’enjeux et de finalités contradictoires. Marc Rousset a choisi son fil rouge et sa clé dans un livre touffu, un pavé de 500 pages à dimension épique et cette clé, c’est une antinomie, celle de l’Argent-roi et de l’Héroïsme.

Le projet est colossal puisqu’il vise par trois tomes successifs dont le premier vient de paraître chez l’éditeur Godefroy de Bouillon, un héros curieusement oublié ensuite par l’auteur sans doute parce que trop chrétien alors que vainqueur de la première croisade, il refusa par désintéressement radical le titre de roi de Jérusalem pour celui d’avoué du Saint-Sépulcre. Ce premier tome porte comme titre : Adieu l’Argent-roi ! Place aux héros européens, avec pour sous-titre : Critique de la civilisation de l’Argent, Apologie de l’Héroïsme. Il se présente à nous comme une alternative de vie qui serait notre choix existentiel du moment : vivre pour l’Argent ou se risquer gratuitement mais mortellement en Héros ? De cette alternative, le matérialisme ou l’héroïsme, l’auteur se propose de dresser une analyse historique, conceptuelle et individuelle. L’ouvrage se déploie comme une anthologie thématique, historico-culturelle, enrichissante et passionnante. Elle est de fait extrêmement risquée car en visant le temps long, de l’Antiquité à nos jours, elle ne peut manquer de faire des impasses et d’opérer parfois des réductions et des simplifications. Dans le premier tome, les deux parties sont en tout cas clairement bien distinguées. On commence par l’argent (notre nihilisme) et on termine par l’héroïsme (notre idéal revisité). Suivons cet ordre de lecture imposé par l’auteur.

L’Or : de l’usurier à la finance

L’expression « L’Argent-roi » est emprunté au roman L’Argent d’Emile Zola : « L’argent, l’argent-roi, l’argent-Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l’infini de sa puissance » . Effectivement, l’argent ou plus précisément la cupidité et l’esprit de lucre jette quelque lumière sur les hommes de nos sociétés et Marc Rousset s’appuie sur une lecture en demi-teintes du progrès capitalistique de l’Occident et de son rationalisme pour expliquer notre nihilisme et la décrépitude du « dernier homme » postmoderne, celui dont la devise pourrait se résumer facilement en la trilogie Liberté, Egalité, Supermarché.

 

Pour l’entrée en matière, Marc Rousset oubliant au passage l’immense Abel Bonnard choisit dans son premier chapitre de nous traduire quelques pages d’un texte inédit de Werner Sombart (1863-1941), Marchands et Héros, publié en 1915 à Leipzig. Sombart fut le chef de la jeune école historique allemande du premier quart du vingtième siècle, une grande figure de la révolution conservatrice jadis présentée par Alain de Benoist, introducteur en réalité du terme de  »capitalisme » par son œuvre majeure en six volumes, Le Capitalisme moderne, aujourd’hui oublié mais qui influença en grande partie Schumpeter. Haendler und Helden, (Marchands et Héros) édité juste avant la première guerre mondiale peut en fait être assimilé à un argumentaire de propagande guerrière vieilli où l’on voit Sombart opposer l’« esprit commercial » anglais, son individualisme libéral à l’esprit communautaire de l’État prussien, le volksgemeinschaft là où Carl Schmitt opposait de son côté la Mer et la Terre. Il s’agit par la critique de l’argent d’opposer ici une société de droits infinis (les droits de l’hommisme mécontemporain) à des communautés de devoirs (les sociétés antiques et traditionnelles). La référence en la matière, Le crépuscule du devoir ou l’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques de Serge Lipovetsky (1992) est d’ailleurs très souvent cité. L’« ère économique » celle du fameux homo economicus, est accusé d’être une époque pour laquelle les mobiles dits matériels prétendent prédominer et dominer toutes les autres aspirations de la vie. C’est l’époque de l’uniformisation des modes de vie par le dollar, la descente vers le bas par la consommation frénétique et même une pensée réduite au-dessous de la ceinture par une sexualisation outrancière du quotidien, la dévirilisation du mâle occidental par un hédonisme sans entraves où l’homme devient l’esclave féminisé de ses besoins artificiels et du luxe, déjà dénoncés en son temps par Rousseau.

 

La première partie du livre réalise une compilation assez large des religions et des auteurs sur l’argent. On y saisit le paradoxe de l’argent vu comme une malédiction chez les catholiques et une rédemption pour les protestants, la thésaurisation dénoncée par les Musulmans et l’argent considéré au contraire comme non coupable et presque une vertu chez les Juifs. L’intérêt de cette première partie est de nous dérouler une abondance de références, de résumés de thèses, un florilège de citations et de raccourcis sur le thème. Il servira aux bacheliers qui auront à disserter en fin d’année sur les échanges mais cette première partie peut aussi susciter chez nous quelques interrogations par des passages trop courts sur l’Islam, des oublis majeurs : la confrontation par exemple des Templiers et de Philippe le Bel ou l’irruption avec son scepticisme et son relativisme de la folie de l’or chez les Espagnols et les Portugais après la découverte de l’Amérique, ces colons héroïques aussi mais mués en « mangeurs d’or » pour reprendre l’expression du dernier roman de Ronald Wright à la traduction inédite. La critique de Bernard Mandeville et de sa Fable des Abeilles nous paraît vite expédiée mais l’auteur a cependant le mérite de citer cet essai important. Le paradoxe de l’équilibre invisible des vices et des vertus, et plus tard, la thèse d’Adam Smith de la recherche de l’intérêt privé comme source de l’intérêt collectif nous paraît en effet essentielle à la bonne compréhension de ce qui était alors envisagé comme une pacification civile par l’argent. Dans la partie sur l’argent, un chapitre par exemple sur le doux commerce de Montesquieu manque sérieusement à l’appel.

Après cette entrée en matière intéressante historico-culturelle sur l’Argent, on passe aux faits et en particulier aux chiffres pour remettre si je puis dire, l’Argent-roi d’aujourd’hui à sa juste place. Au regard des chiffres américains, les Français sont pauvres et la France, un pays en réalité de « gagne-petit » : « un salaire de cadre permet de vivre à peu près correctement en France, mais un seul salaire de cadre pour élever une famille avec deux enfants ne permet même pas d’atteindre le chiffre théorique du bonheur matériel de 4807 euros dans l’enquête américaine ». Le riche est défini : il possède un million d’euros de patrimoine et gagne dans les 5 000 euros mensuels mais l’argent ne lui apporte en réalité plus grand chose au-delà car pour ce qui regarde le bonheur matériel, passer cette somme, le gain concret pour le bien-être existentiel est nul. Comme l’avait déjà remarqué Adam Smith, au-delà d’un toit et d’une nourriture suffisante, l’argent n’a plus d’utilité en soi sauf par la distinction sociale ou la réputation. L’auteur cite ici Charles Feeney, le fondateur des Duty Free Shoppers : « certains sont attirés par l’argent, mais personne ne peut porter deux paires de chaussures en même temps ». Si la richesse permet de paraître riche et d’être heureux aujourd’hui dans l’apparence et l’ostentation, c’est qu’il est avant tout un processus spectaculaire au sens de Guy Debord, incarné par la mode et le suivi people, un mode d’être spéculaire et de simulacre au sens de Baudrillard. Comme ironisait Georg Simmel à propos des modernes dans sa Tragédie de la Culture de 1911 : « ils ont tout mais ne possèdent rien». Pour voir juste et vivre bien, il faut parfois aller dans les limites du snobisme matériel et en saisir et en comprendre alors toute la futilité et la vacuité. C’est sur le dandysme de Wilde pourfendeur de l’or ou sur l’ennui d‘une vie sans idéal dénoncé par Chesterton  que pousse et surgit le héros européen, objet de la deuxième grande partie de l’ouvrage et seul mérite au final, selon l’auteur, de notre civilisation.

Les Héros ne meurent jamais et se sacrifient pour rien

La deuxième partie du premier tome de notre Adieu l’Argent-roi ! est consacré à l’héroïsme et suit la même visée anthologique du début mais on sent qu’on s’oriente vers un livre de modèles et un geste d’enseignement. Pour cerner son sujet, Rousset répète plusieurs fois ce qu’il appelle un héros : un être humain qui choisit consciemment, librement, courageusement et d’une façon désintéressée son destin, l’accomplissement de son devoir en étant prêt pour cela à mourir, à faire le sacrifice de sa vie pour une cause qui le dépasse et de manière totalement désintéressée. La définition est pertinente car elle permet à Rousset d’écarter nos héros médiatiques, en particulier les footballeurs motivés par des salaires mirobolants comme les grands chevaliers d’industrie.

Il faut, selon Rousset pour être un héros non seulement risquer sa vie concrètement mais aussi ne chercher aucune récompense matérielle, aucun prestige ou honneur tel le poilu de 14-18, se sacrifiant délibérément dans les tranchées ou ces grands mathématiciens exemplaires comme Grigori Perelman ou Alexandre Grothendieck mourant en ermite à la campagne ou isolés dans leurs modestes appartements, refusant les honneurs et surtout les chèques libellés en dollars. Le héros est mystique : c’est un renonçant sâdhu. Le héros est rebelle mais aussi révolutionnaire (il compte, chez Rousset, Ravachol dans ses rangs). Le héros a la force de caractère des prophètes (Mahomet ?) et de tous ceux qui savent renverser les tables. On ne comprend pas alors tout à fait pourquoi le djihadiste n’en est pas un.

La deuxième partie énumère ainsi de nombreux portraits de héros européens, de grandes figures oubliées, militaires et civiles, qu’on ignorait même jusqu’alors, offrant au lecteur le plaisir de la découverte. Pour le jeune adolescent à qui il faut offrir ce livre pour combler sa soif d’idéal, c’est une galerie de portraits exceptionnels qui va défiler sous ses yeux, un panorama humain à imiter et qui est sans doute l’intérêt principal et honnête du livre.

Comme elle le fut toujours, la jeunesse est en dormition mais il suffit de se rendre aux abords des facultés, des lycées et d’écouter un peu plus les conversations intimes pour se rendre compte à la fois de l’immense fragilité spirituelle de la jeunesse mais aussi de son aspiration à l’intelligence. C’est la jeunesse qui fréquente avec avidité les sites complotistes qui déplaisent tant à leurs professeurs sans morale et chiens de garde du système, c’est la jeunesse qui s’engage totalement dans la subversion même si c’est hélas sous une forme quelque peu islamisée ou délinquante. C’est donc avant tout un livre à réserver aux adolescents, appelés à se forger un caractère. C’est un livre pour futurs lansquenets appelés à forger un idéal pour reconstruire l’Europe et surtout pour demain l’épurer. Ses explications compléteront Dominique Venner et serviront de colonne vertébrale aux engagés libres et aux cœurs rebelles. Mais le jeune Européen pourra-t-il se faire simplement le maître de lui-même en réinvestissant la figure héroïque ?


Sans remigration et grand rembarquement, les rues de demain, celles de 2050 auront des héros mais ils porteront des noms exotiques, ceux de Mohamed Merah ou d’Amedy Coulibaly. Nous connaissons déjà de jeunes musulmans engagés qui ont épinglé sur les parois de leur chambre – et encore plus dans leurs cellules de prison – la photo romantisée du franco-algérien de Toulouse de 2012 sortant de sa voiture. Ils ont aussi comme Marc Rousset et moi la haine des puissances d’argent.

Le projet du livre de Marc Rousset est éducatif : pour un retour de l’héroïsme européen

On sent qu’il vise à définir et à permettre les conditions culturelles et pédagogiques d’un retour de l’héroïsme européen, des grandes âmes et des forts caractères de France. Mais les héros sont des têtes brûlées. Nous sommes une tête brûlée – c’est même notre définition familiale. Nous ne fréquentons que des « voyous » et non des gens respectables. Faut-il alors à l’Europe une renaissance violente ? Il faudra demain prendre les armes puisque l’État multiracial ne nous défendra pas mais en serons-nous pour autant des héros ? Devons-nous enseigner la terre et le peuple et plus que tout encore, la race comme on enseigne un fanatisme religieux monothéiste ? Ce n’est pas si sûr car nous ne croyons plus, depuis belle lurette, aux arrière-monde. Le problème de cette galerie des héros présenté est qu’aucun n’est un Surhomme, aucun n’est en en réalité le héros du post-nihilisme et d’ailleurs, le post-nihilisme peut-il vraiment avoir des Héros ? Il faut donc que l’Homme européen aille beaucoup plus loin que l’héroïsme individuel.
Non, le nihilisme européen ne sera pas notre destin.

Derrière la volonté héroïque de se sacrifier pour un monde idéal ou dans toute volonté cornélienne finalement métaphysique, il y a une volonté de frapper de néant, de non-être, le monde que nous connaissons. Ce qui était au cœur de l’héroïsme, c’était encore une volonté de néant et de mort et si nous lisons bien le chapitre deux de ce premier tome, l’enjeu fondamental du livre, c’est bien le suicide de Dominique Venner qui est, par delà la traduction de Sombart, le véritable déclencheur du livre et sans doute le premier grand hommage écrit livresque à l’historien. Il y a dans l’héroïsme classique un désir de dévaluation, de dévalorisation du monde sensible et du réel. L’héroïsme est animé par une volonté de néant et de mort puisqu’il frappe de non-réalité tout ce qui n’est pas l’idéal (le cas exemplaire du djihadisme). Et de ce point de vue-là, le nihilisme, c’est-à-dire la volonté de néant est à l’origine de l’affirmation en soi de l’idéal héroïque. Par conséquent, derrière et dans notre héroïsme se trouve présent le nihil, se trouve bien présent le néant. Don Quichotte, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, n’est pas fou. Il a déjà deviné que l’héroïsme des arrière-monde nous conduit tout droit au vide et au néant : il préfère donc s’en moquer, et rire comme Nietzsche, du « mensonge de l’idéal ».

 

Nous avons donc besoin de héros mais de héros européens nouveaux. Défendons-nous alors la tarte à la crème cinématographique pour westerns spaghettis des « héros fatigués » ? Pas si sûrs non plus ! Les djihadistes sont héroïques mais ils ne sont pas européens. Ce ne sont pas encore des héros fatigués mais ils se repentiront. Nous, nous sommes revenus des cimes et comme l’Herzog de l’Annapurna, nous sommes allés derrière les nuages avec Gagarine. Nous sommes européens et oui, osons-le dire, supérieurs parce que nous avons découvert que derrière les valeurs les plus hautes, on a toujours voulu en réalité autre chose. Ce que l’on avait voulu par l’exaltation de l’héroïsme, toujours après coup d’ailleurs, sur les tombes fleuries et anonymes de nos champs de batailles et après être le plus souvent morts sur le coup, c’est échapper à la fluidité des choses, à leur flexibilité, à leur caractère transitoire pour se sauver dans ce qui ne passe pas et qui serait de l’Etre. Or, nous ne pouvons plus revenir en arrière et nous ne croyons pas au retour heideggerien de l’être. Nous avons découvert que derrière les idéaux splendides de l’héroïsme se cachait aussi une volonté de mort et qu’en voulant les idéaux, en réalité ce qui était voulu, c’était tout à fait autre chose que les idéaux, c’était encore cette stupide volonté de survivre à tout prix, une volonté de se donner au monde qui, lui, échapperait à la mouvance des choses. Du coup, derrière les valeurs les plus hautes est apparu (et c’est un peu cela le drame de la mystique brisée de 14) les choses les plus viles qui soient, les plus basses : l’argent, la banque, la monnaie, l’économie de casino. Dans toutes les guerres modernes et jusqu’en Syrie et en Afghanistan, nous n’avons été que ces « cons glorieux » du Général Bigeard, combattants héroïques de camps retranchés et boueux à la Dien Bien Phu. Il nous faut nous regarder en face : nous ne pouvons pas méconnaître la raison plate de notre suicide collectif.

Derrière nos valeurs transcendantes et salvatrices, pour parler vulgairement, nous n’avons chercher qu’à sauver notre peau et échapper au redoutable. Inventeur de la perspective, l’idéal européen s’est perdu dans le point de fuite et il n’est donc pas étonnant que nous soyons déçus puisque le but et la finalités manquent à l’appel. On ne nous fera en tout cas plus marcher pour des visées mercantilistes et notre volonté de puissance juvénile et de résistance identitaire se trouve comme malade dès la racine parce que sans volonté. C’est le Umsonst de Nietzsche, le « à quoi bon » des foules sans regard, des « hommes de banlieue » de Bernanos quoique justement ceux-ci, aujourd’hui, ont un regard, le regard de la haine du sous-homme, celui qui cligne de l’œil contre notre système.

Marc Rousset veut nous réveiller mais Zarathoustra lui-même se méfiait des « prédicateurs de la vertu » c’est-à-dire de ceux qui veulent à nouveau le mobiliser en vue d’idéaux. Une des conséquences du nihilisme des sociétés que l’on pourrait qualifier de post-héroïque, c’est qu’une volonté qui est défaite, qui se méfie du sens, qui est prête à vouloir n’importe quoi plutôt que rien, et même à préférer le rien ou le non-sens à ce qui est, c’est une société de la soumission houellebecquienne, qui tente en un dernier soupir las le suicide civilisationnel dans la beauté de l’autel retournée d’une cathédrale ancienne consacrée.

Alors s’agit-il d’un destin inéluctable ? Le nihilisme enfin identifié, le nihilisme de l’Argent décrit par Marc Rousset nous emportera-t-il ? Y aurait-il une fatalité du déclin de l’homme européen ? Marc Rousset n’y croit pas et c’est sans doute la raison d’être de tout son projet herculéen : se refuser au nihilisme actif. En ce sens, le déclin de l’Occident déjà superbement analysé par Spengler (le livre y fait un peu penser par son coté fourre-tout et c’est un hommage), la décadence de l’Europe ne serait pas une fatalité. L’Européen devrait être capable de dire non et de découvrir par là-même que dire oui, cela suffit et cela peut sauver les choses maintenant. Nonobstant, il doit enfin comprendre que le monde du sens est du côté de l’option collective et non individuelle, du transcendant et du traditionnel organisé et politique, non de l’insensé (Anders Breivik). Marc Rousset écrit : « Ce qui doit être combattu dans nos sociétés, ce n’est pas l’argent mais l’hypertrophie de l’argent, la société unidimensionnelle de l’argent » mais ce qui doit être combattu aussi, c’est la lâcheté, celle qui ne nous fait pas réagir par le silence de la peur lors de l’agression d’un compatriote ou lorsque tout simplement là devant soi, l’homme de l’« autre race » étale ses pieds sur la banquette comme une provocation à nos bonnes mœurs.

L’homme post-héroïque ne croit plus à aucune espèce de valeur, il ne croit plus tout simplement aux valeurs des règles établies d’où l’échec déjà programmé de tous les pédagogismes civiques introduits par l’état d’exception. L’homme post-héroïque ne peut plus croire aux valeurs en raison de la contradiction existant entre la proclamation des valeurs idéales (celles du bisounours et du «vivre ensemble ») avec la réalité concrète de l’argent-roi qui domine. Lorsqu’on parle aujourd’hui de justice, de solidarité, de démocratie, ce qu’on découvre en réalité derrière ces idéaux, ce sont le plus souvent la corruption, le mensonge, la manipulation ou les « sans-dents », à savoir le véritable mépris des gens. Comment dès lors demander d’être créateurs, héroïques c’est-à-dire en somme décents à des individus qui doutent de leur identité et de leurs capacités créatrices ? Comment être fort sans contenu dans une époque de manufacture par correspondance ?

Il nous faut une révolte européenne collective, pas des héros individuels

Le retour de l’Héroïsme ? Comme s’il y avait un destin tout écrit d’éternel retour dans les choses européennes, comme s’il y avait une toile de fond sombre et opaque derrière l’Europa, une séquence de nihilisme actif déjà toute marquée dans l’histoire européenne et qui déroulerait encore son fil en fin de bobine, comme si rien d’autre n’était possible de ce que ce que nous avons connu. Ce qui est possible, nous avons à le créer en réhabilitant la volonté collective. C’est donc bien effectivement une culture et une pédagogie quasi spartiate de la volonté collective qu’il nous faut. La société post-héroïque des hommes sans regard est d’abord malade de l’absence de bien commun or la Volonté cela se soigne dans l’événement, à la guerre, au combat mais aussi par la philosophie politique et une doctrine de l’action collective Il faut enseigner à nouveau le désir du vouloir mais en un désir collectif. Il ne faut pas faire miroiter des mirages (les carcans paradisiaques des prescriptions terroristes islamiques) mais faire désirer aux jeunes Européens de se vouloir eux-mêmes en groupe, en horde, en bund plutôt que de s’abîmer dans le néant ou la fatigue de l’avoir.

Il faut que l’homme européen comprenne tout simplement sa différence fondamentale d’avec l’homme oriental : l’homme européen n’est voulu que pour lui-même et son autonomie populiste est le sens même de toute sa Tradition. L’homme européen n’est pas l’homme jugé moralement mais sur le contenu concret de son existence. L’homme européen n’est pas l’homme savonneux mais l’homme qui prend les choses à bras le corps, l’homme du combat des élites nouvelles, l’homme de caractère qui sert au lieu de se servir « car ce ne sont ni les murailles, ni en général les fortifications qui défendent les places mais les hommes qui sont dedans ». (article « Art militaire » de l’Encyclopédie raisonnée de Diderot reprise d’une citation célèbre de Thucydide ).

Retrouvons Oedipe. Par pitié, il s’avance vers le carrefour fatal et la cité funeste. Il est seul mais il est aussi vrai qu’il n’a, chemin faisant, qu’une pensée : se dérober à la prédiction, lui donner tort, se décider contre elle et contre le nécessaire pour la Cité. Il est encore roi. Sans la métamorphose de l’événement en destin, le crime ne serait qu’un fait divers. Or, au point de non retour où nous en sommes, un seul jour peut suffire demain à élever ou abaisser tout ce qui est européen. On peut bien tenter d’éradiquer l’héroïsme, vouloir le faire disparaître, il resurgira toujours dans les terreaux des sociétés en crise identitaire, en déliquescence morale et sociale parce que le héros possède une pensée subversive, diamétralement opposée à l’ordre établi. Cet arnarquisme est d’ailleurs partagée à l’ombre par beaucoup de nos concitoyens. Mais ce qui le distingue de ces derniers, c’est que l’anarque passe à l’action tels les lanceurs d’alerte pourchassés (Snowden et Manning). Le héros met en scène ses idéaux et ses actions parce qu’il se rebelle. Le héros prend des risques dans la société des assurances multirisques et c’est pour cela qu’il force très vite le respect et l’admiration de la société des assistés. Ce qui fait un héros, c’est ce sacrifice, le fait qu’il soit prêt à sacrifier sa vie, sa carrière, sa tranquillité, son anonymat, pour son idéal. Du coup, il nous semblerait que l’héroïsme à venir, ce sera d’abord l’insoumission et la désobéissance légitime et non ce sacrifice stupide et vain sur l’autel des sociétés de l’argent ? Ayons donc le cran de franchir la ligne jaune et de déborder le cadre.

Nous en appelons ainsi à un renouveau de l’héroïsme européen mais dans un héroïsme du quotidien seul garant de nos victoires à venir puisque nous avons finalement tant d’occasions, au jour le jour en désobéissant de renverser la vapeur à notre échelle (le mouvement des policiers). Faisons donc fi des conséquences matérielles et du prix carriériste à payer, (le héros est par définition désintéressé et c’est même le leitmotiv permanent et juste de la définition du livre). Le réarmement moral qui en résultera, lui, n’a pas de prix. Réagissons à contre-courant, marquons durablement de notre empreinte notre destin collectif de notaire, si habillement tracé par nos désorientateurs officiels. En somme, nous proposons de dépasser la contradiction individualiste du livre en invitant à la désobéissance civique et à l’héroïsme communautaire parce que d’actes isolés aussi frénétiques qu’ils soient, ne sortira pas grand chose que la prison. Or, on peut passer à une multitude d’actes héroïques au quotidien, éclatant ici et là, au travail, dans les transports en commun et dans les commerces, revendiquant la même chose, se liant entre eux, en réseau, et établissant progressivement une forme de résistance active pour reprendre prise, reprendre pied, suspendre le contrôle managérial de nos vies ! Plus nous serons nombreux et moins l’acte sera héroïque, certes, mais il sera alors beaucoup plus simple dans le désintéressement individuel et l’anonymat collectif de renverser le désordre marchand et de passer enfin à l’essentiel : sauver l’Européen.

L’homme européen ne se sent vivant que lorsqu’il agit et réagit collectivement. Nous devons avant toute chose renouer avec le communautaire.

Adieu l’Argent-roi ! Place aux héros européens, Critique de la civilisation de l’Argent, Apologie de l’Héroïsme de Marc Rousset, Godefroy de Bouillon éditeur, Paris 2016, 37 euros.

lundi, 02 janvier 2017

2016 : la droitisation du paysage politique

De tous ces scrutins, il est possible de tirer un certain nombre d'enseignements. Les idées s'affichant sans complexe de droite ne font pas à elles-seules la victoire (dans un référendum des courants disparates peuvent converger) ; de même, elles ne rassemblent pas encore une majorité absolue de suffrages (d'où l'échec du FPÖ en Autriche tandis que la victoire du ticket Trump-Pence, avec une minorité de suffrage populaires s'explique par la structure fédérale des États-Unis). Mais, ce sont bien les idées de la droite ontologique (et non seulement situationnelle), d'une droite qui ne cache pas son anti-modernisme, qui progressent et repoussent vers la gauche du spectre politique les idées qui occupaient son espace électoral ; ce que j'ai proposé d'appeler le «mouvement dextrogyre» (ou «dextrisme»). 

Qu'elle l'emporte ou échoue in extremis, 2016 a vu se concrétiser la déferlante «dextriste». Son ressort électoral est le populisme. Avec des caractéristiques propres à chaque pays, celui-ci consiste dans la valorisation de ce qui vient du peuple (angle social) et de ce que fait le peuple (angle démocratique). Il dénonce la distorsion entre le peuple et les élites ; il revendique donc l'exercice de la démocratie directe contre celle représentative. Politiquement, le populisme entend agir pour la protection de celui qui, dans une relation d'altérité, est le plus faible (défense de la main d'œuvre nationale contre la concurrence déloyale, sauvegarde de la dignité de la personne contre sa chosification). Doctrinalement, il se fait le défenseur de l'identité du corps social en tant qu'il est un tout (la nation) contre la juxtaposition d'identités partielles (les communautarismes) ; il affirme que les corps sociaux (comme la famille) existent en eux-mêmes et donc que la volonté des personnes (le mariage, par exemple) serve à s'y inscrire et non à les créer artificiellement. Il existe donc, dans le vote populiste, un double aspect patrimonial portant sur le niveau de vie (aspect matériel) mais surtout sur le mode de vie (aspect culturel). Le vote populiste, c'est la révolte des classes populaires oubliées et des classes moyennes qui se paupérisent (la «France périphérique» ou l' «Amérique du milieu») contre les métropoles mondialisées et multiculturelles. Au final, le populisme est un anxiolytique: il est l'anti-syndrome de Stockholm. 

Outre qu'elle est susceptible de varier en fonction des circonstances nationales, l'idéologie politique portée par le «mouvement dextrogyre» n'est sans doute pas encore parfaitement explicite et homogène. Mais, plusieurs traits caractéristiques peuvent être dégagés. Elle est une combinaison des facteurs suivants: 

- l'idenditarisme (par opposition au multiculturalisme): hostilité envers l'immigration considérée comme un facteur de déstabilisation culturelle et de désagrégation sociale, affirmation des racines chrétiennes des nations occidentales vis-à-vis de l'islamisme mais aussi du laïcisme ; 

- le souverainisme (par opposition au mondialisme): revendication de pouvoir disposer de son destin (contrôle des frontières), de déterminer son avenir (contrôle du pouvoir normatif) ; «Take back control» fut le slogan des partisans du Brexit ; 

- le subsidiarisme (par opposition tant au libéralisme qu'au socialisme): rejet tant de la loi de la jungle libérale (travail du dimanche) que de l'égalitarisme socialiste (assistanat) ; préconisation d'un État fort (susceptible d'exercer un protectionnisme douanier) mais limité dans ses domaines d'intervention (baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les familles et les entreprises, défense des libertés pour les corps sociaux comme les institutions scolaires et universitaires) ; acceptation d'une société avec marché (où seuls certains biens sont échangeables) et non d'une société de marché (où celui-ci devient la méthode d'analyse de l'ensemble des phénomènes sociaux) ; 

- le conservatisme (par opposition au progressisme): affirmation de l'enracinement des personnes individuelles et collectives dans une histoire et des traditions ; il ne consiste donc pas en une simple volonté de maintenir l'ordre établi et en un frein au progressisme mais en une réaction aux différentes manifestations de la modernité, aussi bien l'individualisme que le matérialisme (d'où son insistance dans le combat pro-vie). 

La France n'échappe pas au «mouvement dextrogyre». Les sondages annoncent un nouveau «21-avril» opposant François Fillon à Marie Le Pen tandis que toute une partie des ténors de la gauche s'affiche désormais social-libérale (Manuel Valls, Emmanuel Macron). Cependant, les partis font encore de la résistance: la recomposition du spectre politique tarde encore et aucun des actuels candidats à la présidentielle ne semble avoir compris le contenu idéologique porté par le «dextrisme». Marine Le Pen cultive le souverainisme mais bascule vers une forme d'étatisme. François Fillon préconise les libertés économiques mais néglige la question identitaire. Tous deux s'adonnent au libéralisme sociétal même s'ils essaient de le mâtiner de marqueurs conservateurs (uniforme à l'école pour l'un, abrogation de la loi Taubira remplacée par un PACS amélioré pour l'autre). Faisant preuve d'une incohérence doctrinale (sous prétexte d'attirer à eux différents segments électoraux), ils ne satisfont donc pas entièrement leur électorat «droitier» qui est, en partie, susceptible de basculer de l'un à l'autre. À moins, chose possible mais difficilement réalisable dans l'état actuel des choses, qu'une meilleure offre politique ne se présente à lui…"

Extrait de: Source et auteur

mardi, 27 décembre 2016

Lo sagrado como fuente de poder

Pedro Bustamante

Ex: http://www.elespiadigital.com 

Extracto de la obra Sacrificios y hierogamias: La violencia y el goce en el escenario del poder (dos tomos, Amazon, 2016). 

"Pues bien, el mundo de lo sagrado entre otras características, se opone al mundo de lo profano como un mundo de energías a un mundo de sustancias. De un lado, fuerzas; del otro, cosas". [1]

Todo lo que decimos supone que no se pueden separar religión y poder. Que son dos instituciones independientes, que están en conflicto, no es más que parte de la ficción que el poder-religión pone en escena para enmascarar su verdadera esencia. De nuevo, una cortina de humo más para esconder su obscenidad. Los más santos lo son porque han sido o son también los más criminales. La bondad es siempre sublimación de la maldad. El poder, como la religión, se ejerce en última instancia a través de la máquina hierogámico-sacrificial. El poder es inseparable de la religión, es solo un momento del poder-religión. [2]

Hemos mostrado que en la captura de la energía libidinoso-agresiva natural excesiva juegan un papel fundamental los bíoi sagrados, como intermediarios, canalizadores, acumuladores, emanadores, de estas energías. Que después estos bíoi sagrados se van sustituyendo progresivamente por otros bíoi o por pseudo-objetos, en los que sigue presente esta dimensión sagrada. Se suele decir y se suele experimentar que dichos bíoi o pseudo-objetos sagrados "tienen poder". [3] Pues bien, esto confirma de una forma muy evidente nuestra tesis: que el poder y la religión forman un complejo inseparable, que es lo que denominamos poder-religión, y que este poder-religión se ejerce a través de la máquina hierogámico-sacrificial.

De ahí que en la mayoría de las culturas y épocas poder y religión hayan conformado una unidad. La distinción entre poder y religión es relativamente reciente, está particularmente vinculada a la cultura occidental. Más que una generalidad, es una anomalía, una excepción, una situación que, insistimos, pretende enmascarar la verdadera esencia del poder-religión. Una estrategia de poli bueno y poli malo. Así, incluso cuando estas dos facetas del poder-religión se han disociado, en general han tendido a operar de manera complementaria, a establecer pactos, a dividirse las tareas, en suma, a seguir operando en la práctica como una entidad, más allá de las apariencias y de las tensiones relativas. Pero además de todo esto, la clave para entender la separación aparente de poder y de religión, es que todo ello ha sido promovido por sociedades secretas que han seguido operando como poder-religión en la sombra, pero que han visto en esta separación una estrategia eficaz para enmascararse y al mismo tiempo debilitar y controlar al poder y a la religión aparentes.

Como hemos mostrado, el cometido central de la máquina hierogámico-sacrificial es sacralizar ciertos elementos de la realidad y profanizar otros, distinguirlos netamente, establecer su separación. Pero lo que está en el trasfondo de esta mecánica es, una vez más, la captura de la energía social excesiva. Digamos que en un principio toda la naturaleza está encantada, las fuentes de lo sagrado surgen por doquier, en los fenómenos meteorológicos, en las fuerzas de los astros, en los efectos de los mares y las aguas, en las transformaciones estacionales de la naturaleza. También la naturaleza interior está encantada, el hombre siente lo sagrado dentro de sí. Esta intimidad con lo sagrado se experimenta sobre todo en los momentos en que la comunidad se abandona al éxtasis de la violencia y del goce, de la ingesta caníbal, del incesto y de la orgía.

La máquina hierogámico-sacrificial no hace otra cosa que ordenar este exceso libidinoso-agresivo, de manera que se ponga al servicio de la cultura en lugar de amenazarla. Es en este contexto en el que los bíoi sagrados canalizan dichas energías excesivas, que se transforman en el proceso en energías culturales. Si estos bíoi son sagrados es porque son sacralizados en el marco de esta mecánica, al mismo tiempo que, recíprocamente, los bíoi profanos lo son porque son profanizados. De manera que se crea una suerte de diferencial energético entre lo sagrado y lo profano, que tensa todo el campo social. El modo de orden se puede sostener en la medida en que en el modo de crisis se canaliza, se cataliza, se almacena, este diferencial energético, en la medida en que los vórtices hierogámico y sacrificial tensan la superficie social, le dan relieve.

Todo esto es, insistimos, al mismo tiempo del orden de lo religioso y de lo político. Porque de hecho los bíoi sagrados lo son en la medida en que ostentan poder, en la medida en que se les otorga ese poder, en que se cree que lo tienen, que lo absorben, que lo desprenden, que lo contagian. Como nos ha mostrado René Girard, la clave del mecanismo sacrificial es que la víctima, al ser sacrificada, absorbe las fuerzas del mal y las devuelve transformadas en fuerzas del bien, transmuta las energías maléficas, desintegradoras, destructivas, en energías benéficas, integradoras, constructivas. [4] Esto es el poder catártico, pero también anártico, que no es tanto de los bíoi sagrados en sí como del conjunto de la máquina hierogámico-sacrificial, aunque la tendencia es a creer que ellos ostentan este poder. La creencia religiosa se reduce en última instancia a esto.

El desconocimiento de este mecanismo, la dificultad para comprender cómo opera la máquina hierogámico-sacrificial, implica que se haga responsable a la víctima o a su sublimación, la divinidad, de sus efectos. Tanto para bien como para mal. Que se la demonice o se la divinice. En definitiva, que se la considere la fuente de lo sagrado, la fuente del poder. De ahí que hayamos dicho que es la propia máquina hierogámico-sacrificial la que produce todas las nociones trascendentes, que además se proyectan en determinados bíoi o pseudo-objetos, a los que se considera encarnación del mal o del bien, de la divinidad maléfica o benéfica. No se sacrifican víctimas al dios, sino que, antes que nada, se sacrifica el dios mismo. O mejor, el dios se crea precisamente sacrificando a la víctima, haciéndola sagrada. [5] Pero este proceso hay que entenderlo en el contexto de largas tradiciones rituales. No sucede de la noche a la mañana. Se trata de procesos progresivos de disyunciones y conjunciones, de separaciones y fusiones de lo inmanente y de lo trascendente, del cuerpo y el alma-espíritu. De ahí que no solo el ritual hierogámico-sacrificial y los seres inmanentes que lo protagonizan adquieran poder, sino también sus emanaciones trascendentes, que como decimos son una y otra vez separadas y reintegradas en sus referentes inmanentes.

Pues bien, hay que ver en esta distinción entre lo inmanente y lo trascendente uno de los motivos de la disociación entre el poder religioso y el político. No es una casualidad que esta separación entre poder y religión haya tendido a producirse en ámbitos culturales en los que ha predominado la idea de un dios trascendente, abstracto, desencarnado. Esta forma de entender lo sagrado ha sentado las bases para la separación de un poder terrenal y un poder celestial, de un poder inmanente y un poder trascendente, de la política y la religión. Pero, como sabemos, inmanencia y trascendencia no son más que dos caras de la misma moneda, como realismo o materialismo e idealismo. Las religiones monoteístas con nociones de divinidad trascendentes son aquellas en las que más fácilmente se ha podido disociar el poder inmanente y el poder trascendente, y así ha podido distinguirse más netamente el poder político y el poder religioso. [6] Pero esta separación es, insistimos, artificial. Es disyunción sin conjunción, y por lo tanto parte de la estrategia de la máquina hierogámico-sacrificial. En realidad poder y religión siguen operando de manera conjunta. La religión sigue teniendo poder y el poder sigue siendo religioso. [7] Pero detrás de las bambalinas. Y de forma no declarada. Pero sigue siendo en realidad lo que mueve a las sociedades, se quiera o no, se reconozca o no.

Solo hay que observar la estrecha vinculación entre poder e inmortalidad para entender hasta qué punto el poder-religión es unitario. Hemos mostrado cómo el juicio póstumo es una forma sustitutoria de ritual hierogámico-sacrificial, cómo ambos son vórtices en los que confluyen lo religioso, lo político, lo moral y lo económico. Nos extenderemos sobre este tema cuando hablemos del autosacrificio, pero ahora solo queremos apuntar la íntima vinculación entre el poder y la religión, y cómo esta vinculación se pone especialmente de manifiesto en el fenómeno de la inmortalidad. En efecto, la creencia en la vida después de la muerte ha sido uno de los mecanismos de sometimiento político-religioso más poderosos. La vida del alma recompensaría los sufrimientos de la vida terrenal, hasta el punto de que solo la merecerían aquellos que se sacrificasen en esta vida. Vemos cómo está aquí implícita la idea del intercambio entre la vida y la muerte, la idea de que es necesario dar en esta vida para tener derecho a recibir en la otra. Es evidente que esta ha sido desde hace milenios una de las estrategias centrales del sometimiento político y religioso. Pero también en buena medida económico, como hemos visto al tratar del juicio de los muertos. Toda la actividad productiva, económica, laboral, está impregnada de lo sacrificial, de las nociones de sacrificio y autosacrificio, ofrenda, tributo, acumulación de un excedente que nos sobrevive, intercambio simbólico, etc.

La noción de inmortalidad es una de las claves de bóveda que sostiene todo el sistema de poder-religión. Como sabemos, el Antiguo Egipto ha jugado un papel importante en esto, retomado por la tradición judeocristiana. En general lo que se puede observar en la tradición occidental, por lo menos hasta el Renacimiento, es una suerte de asimetría fundamental en la que la vida está supeditada a la muerte, o si se quiere, a la vida después de la muerte. Lo que no es otra cosa que la supeditación de la mortalidad de los bíoi a la inmortalidad relativa de las zoés. Esta profunda vinculación entre inmortalidad y poder seguirá dominando todo el pensamiento occidental hasta la Ilustración. Y lo sigue haciendo ahora, aunque de una manera menos explícita. Ahora la muerte se ha fusionado con la vida de tal manera que entre ambas apenas hay distinción. A fuerza de querer negar la muerte la cultura moderna ha hecho que la muerte se adhiera a la vida como un doble fondo que la acompaña en todo momento. La vida moderna apesta a muerte por sus cuatro costados.

NOTAS

Pedro Bustamante es investigador independiente, arquitecto y artista. Es autor también de El imperio de la ficción: Capitalismo y sacrificios hollywoodenses (Ediciones Libertarias, 2015). Colabora habitualmente en diversos medios alternativos como El Robot Pescador, El Espía Digital, Katehon, La Caja de Pandora y Csijuan. deliriousheterotopias.blogspot.com

1Roger Caillois, El hombre y lo sagrado, México D. F., Fondo de Cultura Económica, p. 27.

2Cf. Elias Canetti, Masa y poder, Barcelona, Muchnik, 1977, pp. 512 y ss.

3Mircea Eliade, Lo sagrado y lo profano, Barcelona, Paidós, 1998, pp. 15-16.

4René Girard, La violencia y lo sagrado, Barcelona, Anagrama, 2005, pp. 122-123; cf. pp. 313-317.

5Walter Burkert, Homo Necans: Interpretaciones de ritos sacrificiales y mitos de la antigua Grecia, Barcelona, Acantilado, 2013, p. 130; Jean-Pierre Dupuy, La Marque du sacré, París, Flammarion, 2010, p. 141.

6Agamben, El Reino y la Gloria: Una genealogía teológica de la economía y del gobierno, Buenos Aires, Adriana Hidalgo, 2008.

7Cf. René Guénon, El Rey del mundo, s. l., Luis Cárcamo, 1987, p. 19.

jeudi, 22 décembre 2016

L’homme et la technique

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L’homme et la technique

Ex: https://argoul.com

Oswald Spengler fut célèbre en son temps. Notamment parce qu’il a publié une vaste fresque du destin humain intitulée ‘Le déclin de l’Occident’ en 1918. Presqu’un siècle plus tard, il reste d’actualité ! En 2018 (dans 7 ans), la Chine sera le premier exportateur mondial, le premier prédateur mondial de matières premières, le premier néocolonialiste économique mondial. Elle défendra aussi âprement ses intérêts que l’Angleterre de la reine Victoria ou les États-Unis de George W. Bush. Car, analyse Oswald Spengler, ce sont l’essor de la technique et de la population qui ont bouleversé le monde.

oswald-spengler-l-homme-et-la-technique.jpg‘L’homme et la technique’ est un opuscule qui devrait ravir les écolos et les économistes de la décroissance ; il devrait stimuler les souverainistes et les partisans d’une Europe puissance ; il décrit parfaitement le mental américain face aux défis chinois. Paru en 1931, après la crise financière de 1929 et avant les cataclysmes nationalistes, racistes et guerriers des années 1940, il en a le vocabulaire daté. Mais Spengler livre une intuition, pas un système dogmatique. Il ne prône aucune révolution qui passerait une quelconque catégorie sociale ou raciale par les armes, il analyse la longue histoire. Il dit une manière d’être, la nôtre, ce qu’il appelle « la culture faustienne ».

Pour Oswald Spengler, la culture est le devenir, le mouvement ; la civilisation est le devenu, l’aboutissement historique. Or, dit-il, notre culture faustienne, alimentée par le désir et l’incessante exploration curieuse des choses, se meurt. Elle est désormais ‘civilisation’ : matérielle, matérialiste, comptable. La vie quotidienne, la famille, la morale, les croyances, les espoirs – tout est façonné par la technique, dit Oswald Spengler (y compris la procréation). Qui lui donnerait tort ?

Or la technique est la meilleure et la pire des choses, comme la langue d’Ésope. Elle est tactique pour survivre dans la nature. Le singe nu a utilisé ses mains, libérées par la station debout, pour prendre les armes et se défendre ou faire levier. La première dialectique de la main et de l’outil a fait de l’homme un animal de proie pour son environnement qui le libère de ses déterminants génétiques. L’être humain n’est pas une fourmi, il devient intelligent. Tout ce qu’il crée est « artificiel », non naturel.

Première tragédie : la nature sera toujours la plus forte, elle a les millions d’années pour elle, mais l’homme ne sait pas faire autrement que l’artifice. Jusqu’à lever la main contre sa mère, en rebelle, et peut-être détruire le climat, la faune ou la planète…

Vient la seconde dialectique entre le langage et l’entreprise. Car l’être humain n’est pas seul : il vit en famille, en horde, en clan, plus tard en village, en ville, en société. Animal politique, l’homme s’entend par le langage pour un projet commun : projet de la cité pour organiser les hommes, projet de l’entreprise pour utiliser la matière et produire des biens. Le langage ne sert pas à comprendre le monde, écrit Spengler, mais à la conversation pour agir.

Seconde tragédie : toute organisation prend sur la liberté humaine. L’entreprise oblige à commander ou à exécuter, à laisser une part de son travail pour le bénéfice et l’investissement, en bref à être plus ou moins exploité ; la cité elle-même contraint par ses lois, sa morale, ses obligations physiques comme le service militaire. L’homme s’aliène en s’organisant en groupes humains.

L’Occident – ce qui est à la fois sa grandeur et sa tragédie – incarne au plus haut point l’insatiable curiosité de savoir, l’exploration ultime des secrets de la nature, la volonté de maîtrise et de création. De la culture technique est née la civilisation matérielle que nous connaissons. Cet « ensemble de modes de vie artificiels, personnels, autogènes, se transforme en une cage aux barreaux serrés pour les âmes rebelles à tout frein » (p.124). L’accroissement de la population, grâce à la technique (alimentation, confort, hygiène, médecine), noie l’individu et lui fait perdre toute importance. Les nations, organisées en États (« L’État est l’ordre intérieur d’un peuple en vue de ses objectifs extérieurs » p.120), instaurent des frontières pour se préserver (accès aux ressources, emplois, style de vie, croyances) et entrent en rivalité entre elles. « La frontière, de quelque nature qu’elle soit, ne serait-ce qu’intellectuelle, est l’ennemi mortel de la volonté de puissance », écrit l’auteur dans un cri libertaire.

Car Oswald Spengler est analyste, pas politicien ni philosophe. Il dit que l’Occident court à sa perte mais qu’il n’y peut rien. Toute civilisation est mortelle. Il prédit dès 1931 les rébellions : hippie contre la vie bourgeoise, révolutionnaire contre l’accaparement de la rente pétrolière, écologiste contre le mode de vie consumériste industriel. « Il n’est pas vrai que la technique humaine économise du travail », écrit Spengler. « Chaque découverte contient la virtualité et la nécessité de découvertes nouvelles, tout désir satisfait en éveille des milliers d’autres, chaque triomphe sur la nature en appelle d’autres encore » (p.125).

D’où « le dernier acte » qui fait l’objet du chapitre 5 : l’avènement et la dissolution de la culture machiniste.

  • Par le mouvement social : La technique appelle la société pour organiser son règne. Toute société crée des classes sociales pour la division nécessaire du travail. « Avec la croissance des agglomérations urbaines, la technique prit un caractère bourgeois » (p.148). Naît le luxe, « la culture dans sa forme la plus poussée » (p.134), donc l’envie sociale et la contestation.
  • Par le divorce de la vérité et des faits : Se séparent le prêtre, le savant et le philosophe qui vivent dans le monde des vérités – et le noble, le guerrier et l’aventurier (l’entrepreneur), qui vivent dans le monde des faits. « Le successeur de ces moines gothiques fut l’inventeur laïque cultivé, le prêtre-expert de la machine. Enfin, avec l’avènement du rationalisme, la croyance à la technique tend presque à devenir une religion matérialiste » (p.148). Éternelle, immortelle, elle apporte le salut à l’humanité. La découverte est jouissance pour soi, sans aucun souci des conséquences, parfois immenses pour le genre humain. Les découvertes se multiplient mais la peine de l’homme n’est pas réduite, il faut toujours plus de mains pour alimenter la machine. Pour quel but ?
  • Par la lutte des États : Seul l’État a un but qui est d’accroître sa puissance politique en accroissant sa richesse, donc son industrie. D’où les guerres pour l’accès aux ressources, qui exploitent ou achètent les pays miniers ou pétroliers dans une sorte de néocolonialisme, la guerre des monnaies qui déstabilise l’épargne, l’emploi et la redistribution sociale. Malgré la tendance européenne à se vouloir hors de l’histoire, jouissant bourgeoisement de ses richesses acquises, Spengler nous rappelle que vivre est lutter. La Chine nous le montre à l’envi, mais aussi le Brésil (qui va choisir le F18 plutôt que le Rafale) ou la Turquie (qui négocie avec l’Iran contre l’Occident) ou le Mexique (qui se fout des intellos médiatiques français). Or « au lieu de garder jalousement pour eux-mêmes le savoir technique qui constituait leur meilleur atout, les peuples ‘blancs’ l’offrirent avec complaisance au tout-venant dans le monde entier » (p.174). Ceux qui « grâce au bas niveau des salaires, vont nous mettre en face d’une concurrence mortelle » (p.175). C’est exactement ce qui se passe : notre fameux TGV est copié par les Chinois, ils préparent leur Airbus pour 2014, les Coréens ont des centrales nucléaires moins sophistiquées que nous (et moins chères) à exporter, les Iraniens usent d’un logiciel allemand Siemens pour leurs centrifugeuses destinées à la bombe nucléaire.
  • Par les menaces sur le climat et la planète : « La mécanisation du monde est entrée dans une phase d’hypertension périlleuse à l’extrême. La face même de la terre, avec ses plantes, ses animaux et ses hommes, n’est plus la même. (…) Un monde artificiel pénètre le monde naturel et l’empoisonne. La civilisation est elle-même devenue une machine faisant ou essayant de tout faire mécaniquement » (p161).
  • Par la perte de sens : L’âme se dilue dans le calcul, la computation et la mathématisation froide du monde : « notre propre culture faustienne représente pour sa part le triomphe de la pensée technique pure sur les grands problèmes » (p.135). On l’a vu avec le krach de la raison pure dans la finance, les échecs humains de la rationalisation du personnel chez France Télécom. A trop rationaliser l’humain perd son âme. « La culture faustienne, celle de l’ouest européen, n’est probablement pas la dernière mais elle est certainement la plus puissante, la plus véhémente et, conséquence du conflit intérieur entre son intellectualité compréhensive et son manque d’harmonie spirituelle, de toutes la plus tragique » (p.136). « Être donc soi-même Dieu, c’est bien cela le rêve du chercheur faustien » (p.146) – mais être Dieu, en ce monde-ci, est-ce possible ou même raisonnable ? « La pensée faustienne commence à ressentir la nausée des machines. Une lassitude se propage, une sorte de pacifisme dans la lutte contre la nature » (p.167).

Ce qui nous fait être, notre culture faustienne, est attaqué de toute part. Or, si les autres cultures usent de la technique comme d’un outil, nous seuls en faisons un but spirituel, la quête incessante pour savoir et pour explorer la nature. D’où notre condamnation à terme, de l’intérieur par l’écologie, de l’extérieur par l’émergence des pays tiers. Entre Montaigne et Nietzsche, un petit livre à méditer ! Il a inspiré Heidegger.

Oswald Spengler, L’Homme et la technique, 1931, Gallimard Idées, 1969, 181 pages. Difficile à trouver, mais occasion possible.

Donoso Cortes, Carl Schmitt, Julius Evola

Donoso Cortes, Carl Schmitt, Julius Evola

DC-CSn40.jpgDe nos jours, la « discussion » est devenue une marchandise, le produit vendable des nouvelles par câble et des revues d’opinion; il n’y a plus même le prétexte d’une « recherche de la vérité ».

Je ne crois pas que la monographie de Carl Schmitt sur Donoso Cortés, mentionnée par Julius Evola, ait été traduite. Cependant, le dernier chapitre de la Théologie politique de Schmitt est intitulé Sur la philosophie contrerévolutionnaire de l’État (de Maistre, Bonald, Donoso Cortes), de sorte qu’il peut servir de résumé à la compréhension par Schmitt de Donoso.

Mais d’abord, il faut signaler une anomalie intéressante. Le Schmitt catholique, ainsi que les trois contre-révolutionnaires catholiques, n’ont eut absolument aucun impact sur l’église contemporaine. Leurs idées sur la Tradition, l’autorité et l’opposition au monde libéral moderne ont été rejetées par l’église modernisante Vatican II. Alors, pourquoi l’Evola anti-chrétien était-il si enchantée par la figure de Donoso Cortés? Comme l’indique Evola dans sa revue de la monographie de Schmitt sur Thomas Hobbes, ce qui compte, c’est la « manifestation d’un principe et d’un ordre supérieur » et la mise en place d’un « type d’organisation véritablement spirituelle et hiérarchique traditionnelle ». Puisqu’il n’y a plus de soutien institutionnel à de telles idées, il incombe aux rares de les comprendre et de les développer. 

Comme nous l’avons vu, Evola rejette la revendication de Hobbes du contrat social comme la base de l’état du Leviathan, car cela pourrait servir à lui fournir un vernis de légitimité. C’est plutôt la dévolution de l’Etat traditionnel, résultat de la perte du sens d’une vérité transcendante, tout en conservant son autorité, qui donne notre situation. Un tel Etat, laissé à ses propres moyens sous l’influence de « courants plus profonds, toujours capables de s’infiltrer là où elles ne trouvent pas la voie barrée par la présence de principes authentiques et d’une vérité ferme et durable », va continuer de permettre la « dissolution individualiste de l’Etat ». Alors, qu’est-ce que Donoso nous raconte de ce choc libéral et de son contraire?

L’idéal libéral est la « libre enquête », le « marché des idées », la « conversation éternelle ». Schmitt écrit:

Les philosophes politiques catholiques comme de Maistre, Bonald et Donoso […] auraient considéré la conversation éternelle comme le produit d’un fantasme horriblement comique, car ce qui caractérisait leur philosophie politique contre-révolutionnaire, c’était la reconnaissance que leur époque nécessitait des décisions.

Car la Tradition de Bonald offrait la seule possibilité d’acquérir ce que l’homme était capable d’accepter métaphysiquement, parce que l’intellect individuel était considéré comme trop faible et misérable pour pouvoir reconnaître la vérité par elle-même.

Les antithèses et les distinctions que Bonald a tant aimé contiennent en vérité des disjonctions morales … De telles disjonctions morales représentent des contrastes entre le bien et le mal, Dieu et le diable; entre eux existe un « les deux/ou » dans le sens d’une lutte de vie ou de mort qui ne reconnaît pas une synthèse et un « tiers supérieur ».

Nous voyons que les contre-révolutionnaires rejettent l’idéal libéral que l’opinion de chaque homme compte. « L’erreur n’a pas de droits », et peu d’hommes sont capables de surmonter l’erreur intellectuelle. Donoso était encore plus emphatique. Selon Schmitt, Donoso Cortés avait un

mépris pour l’homme ne connaissait pas de limites: la raison aveugle de l’homme, sa faiblesse et la ridicule vitalité de ses désirs charnels lui paraissaient si pitoyables que toutes les paroles de tout langage humain ne suffisent pas à exprimer toute la bassesse de cette créature. […] La stupidité des masses devait être aussi évidente pour lui que la vanité idiote de leurs chefs.

En somme, Donoso décrit les hommes comme étant à l’étape qu’Evola appelait la première[1] qui est définie « par des forces, des idées et des objets en dehors de lui-même. Manquant de volonté, l’homme de la première étape ne peut rien faire sans être dirigé par des forces extérieures ». De même, comme Evola, Donoso méprise la société bourgeoise. Schmitt écrit:

Selon Donoso Cortés, il était caractéristique du libéralisme bourgeois de ne pas décider dans cette bataille mais plutôt d’entamer une discussion. Il définit directement la bourgeoisie comme une « classe de discussion ». Cette définition contient la classe caractéristique de vouloir éluder la décision. Une classe qui déplace toute l’activité politique sur le plan de la conversation dans la presse et au parlement n’est pas fait pour le conflit social.

La futilité du débat

Voici le cœur de la question. La classe bourgeoise, bien que nominalement au pouvoir, n’a aucune compréhension, ni même croyance en aucun principe d’ordre transcendant. Par conséquent, il n’y a plus de convictions. Sans aucune compréhension des vrais principes, il n’y a pas d’argument contre les forces destructrices du désordre. Quand le contraire de la vérité est mis à égalité avec la vérité, il ne peut y avoir de résolution. Le débat se poursuivra sans résolution, comme quelque spectacle des Highlanders, mais sans les éléments héroïques. Au lieu d’un « les deux/ou», il y a maintenant un « et/ou ». Les masses elles-mêmes n’ont aucun moyen de résoudre le problème, et donc se considèrent libres de choisir une alternative basée sur rien d’autre que leurs caprices. Ainsi, le choix du désordre est tout aussi valable que le choix de l’ordre.

Si un enfant touche un poêle chaud, il reçoit immédiatement des commentaires négatifs et apprend à ne jamais le faire à nouveau. Dans le cours de sa vie, un homme fera beaucoup d’erreurs. Souvent, les conséquences ne sont pas clairement connues jusqu’à des années plus tard, lorsque les enchevêtrements qu’il a créés deviennent difficiles à échapper. Sur le plan sociétal, les effets négatifs ne seront pas remarqués pendant de nombreuses années, dépassant souvent même la durée de la vie d’un homme. C’est pourquoi ils persistent, sous le regard perplexe de ceux qui sont encore capables de voir les vraies causes et conséquences des événements.

Décision 

L’Etat libéral et bourgeois n’a pas la volonté de prendre une décision. Schmitt explique:

Donoso Cortés a considéré la discussion éternelle comme une méthode de contournement de la responsabilité et d’attribution à la liberté d’expression et de la presse une importance excessive qui en dernière analyse permet à la décision d’être évitée. Tout comme le libéralisme discute et négocie tous les détails politiques, il veut aussi dissoudre la vérité métaphysique dans une discussion. L’essence du libéralisme est la négociation, une demi-mesure prudente, dans l’espoir que le conflit définitif, la bataille sanglante décisive, puisse se transformer en débat parlementaire et permettre que la décision soit suspendue pour toujours dans une discussion éternelle.

DC-buste.jpgNous voyons, cependant, que la négociation ne bouge que dans une seule direction. Par exemple, supposons que j’offre 50 $ pour un produit et que le vendeur demande 100 $. Nous négocions pour 75 $. Le vendeur connaît alors ma limite. Donc la prochaine fois que nous négocions, nous commençons à 75 $ et il exige 125 $. Si, par indécision, ou si je manque de volonté pour tenir ferme, vous pouvez voir que le prix va continuer à augmenter. Ainsi, les conflits sociaux continuent d’être résolus dans un seul sens, malgré les intentions des conservateurs de maintenir le statu quo, et, en tout cas, continue à « évoluer » dans la même direction.

Le contraire de la discussion est la décision. Dans une société traditionnelle, la décision finale était prise par le grand prêtre ou le roi. À ce moment-là, la décision était sensiblement définitive et la discussion prenait fin. Dans la sphère religieuse, l’autorité spirituelle est infaillible; dans le domaine politique, le Roi établit la loi. Dans cette optique, le conflit ne peut pas être négocié et doit être traité de façon plus primitive. Cela a toujours été reconnu. Par exemple, Dante a reconnu le duel comme l’arbitrage ultime. Joseph de Maistre louait le bourreau comme la force cachée derrière l’ordre. C’est pourquoi les révolutionnaires s’opposent toujours à la peine de mort, du moins jusqu’à ce qu’ils acquièrent eux-mêmes le pouvoir.

Pour Donoso, qui vivait à une époque où les rois ne détenaient plus le pouvoir que dans un sens nominal, la solution était un dictateur ou un « homme de destin ». C’est la conclusion logique. C’est un pas en arrière, dans la perspective de la contre-révolution, car c’est encore l’autorité sans vérité ni légitimité. Tout en ne rejetant pas cette notion, pour Evola, ce n’est

que le stade où l’autorité suffit et la vérité est superflue; où les mythes, et non les vrais principes, sont le meilleur instrument pour saisir et organiser les forces collectives; dans lequel le miracle d’une personnalité exceptionnelle, d’un « homme de destin » saturé du « droit divin », et non pas un pur « droit divin », fonde et légitime la souveraineté et le commandement et confère un caractère transcendant à l’idée de l’État.

En fin de compte, cette étape doit elle-même être surpassée: nous entrerons dans une nouvelle phase dans laquelle le Léviathan, pour ainsi dire, deviendra le corps formé pour rendre possible l’incarnation et la manifestation d’un principe et d’un ordre supérieur: avec cela, l’aspect collectiviste et irrationnel du principe du totalitarisme sera surpassé et mettra en œuvre de nouveau un type d’organisation vraiment spirituelle et traditionnelle hiérarchique.

Traduction de l’anglais, même titre, de Cologero Salvo sur Gornahoor (http://www.gornahoor.net/?p=4499) daté du 19 juillet 2012. Ce texte est pertinent en ce qu’il traite des auteurs principaux d’une frange catholique de la contre-révolution/révolution conservatrice. Ces auteurs seront repris individuellement sur ce site dans le future proche.

[1] À ce sujet : http://www.gornahoor.net/?p=639

mercredi, 21 décembre 2016

Le platonisme de Jean-François Mattéi

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Le platonisme de Jean-François Mattéi

par Francis Moury

Ex: http://www.juanasensio.com 

 
À propos de Baptiste Rappin, La Rame à l'épaule – Essai sur la pensée cosmique de Jean-François Mattéi (Éditions Ovadia, 2016).
 
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Cette étude de 250 pages environ sur la trajectoire philosophique et politique du philosophe Jean-François Mattéi (1941-2014) est claire, nette, pédagogique tout en étant passionnée. Elle couvre toute la bibliographie de Mattéi et regorge de citations intéressantes, relatives à certaines problématiques classiques de l'histoire de la philosophie antique, moderne et contemporaine. Son titre provient d'une remarque de Pierre Boutang, l'un des maîtres de Mattéi, à propos de l'Odyssée d'Homère (1).

On pourrait résumer cette trajectoire d'une manière commode et intuitive en citant le titre du premier livre écrit par Mattéi, L'Étranger et le simulacre – Essai sur la fondation de l'ontologie platonicienne (sa thèse de doctorat publiée en 1983) puis celui de son dernier livre, L'Homme dévasté – Essai sur la déconstruction de la culture (paru posthume en 2015). Pour comprendre ses tenants et aboutissants, en quoi elle se voulut à la fois reconstructrice (d'une tradition) et critique (d'une tentative de déconstruction de cette tradition), il faut peut-être commencer par la fin du livre de Baptiste Rappin, donc lire la postface signée Pierre Magnard qui se souvient des circonstances intellectuelles, historiques, politiques, de sa rencontre en 1981 comme professeur au Centre Hegel de Poitiers, avec l'étudiant Jean-François Mattéi. Tous deux étaient métaphysiquement désespérés par l'entreprise déconstructrice de ceux qu'ils nommaient «Les quatre cavaliers de l'Apocalypse» (2), à savoir Gilles Deleuze, Michel Foucault, Pierre Bourdieu et Jacques Derrida qu'ils tenaient pour des sophistes fossoyeurs de la tradition philosophique, celle qui ordonnait la table des matières des manuels classiques, selon un ordre architectonique hérité du système d'Aristote et qu'on trouve encore dans les cours de philosophie d'Henri Bergson et, un peu plus près de nous, dans les excellents manuels d'Armand Cuvillier ou de Paul Foulquié qu'on peut encore aujourd'hui lire avec le plus grand profit.
 
Manuels et tradition que prétendait déconsidérer, enterrer prématurément cette «bande des quatre» : j'emprunte volontairement cette expression à l'histoire du maoïsme chinois rouge car la coïncidence me semble, rétrospectivement, non moins significative qu'elle est savoureuse. Le mouvement pendulaire de balancier (aussi redoutable, parfois, que celui de l'instrument décrit par Edgar Poe dans son histoire extraordinaire Le Puits et le pendule) dans lequel Cazamian voyait le symbole de l'histoire des lettres et Bréhier celui de l'histoire de la philosophie, se manifestait à nouveau : Chronos dévorant ses enfants, cette dernière suscite, après chaque construction, un désir de table rase bientôt suivi d'une nouvelle construction. Dans le cas de la bande des quatre, il y avait en 1970 cette volonté de déconstruire le langage, la hiérarchie, l'idée de système pour annihiler en profondeur les finalités de la philosophie classique antique, médiévale, moderne et contemporaine, celles qu'on leur avait encore apprise à la Sorbonne des années 1950. Et ils avaient déjà reçu, entre 1970 et 1980, tous les honneurs et tous les insignes du pouvoir universitaire. Le pouvoir politique socialiste en avait fait ses champions intellectuels : c'était, logiquement autant que chronologiquement, à eux qu'était consacrée la dernière partie de l'excellente étude de Vincent Descombes, Le Même et l'autre – 45 ans de philosophie française (éditions Minuit, 1978).

Consacrer sa thèse de doctorat à Platon ne semble pas, aujourd'hui, un acte contre-révolutionnaire, surtout à la lumière de l'histoire des thèses de doctorat soutenues à la Sorbonne depuis 1900 à nos jours. Platon avait eu les faveurs de l'université française, à tel point que les éditions des Belles lettres avaient mis un point d'honneur à publier, à partir des années 1920, une édition critique complète du texte grec et de sa traduction (achevée en 1964) bien avant d'en publier une (encore attendue car incomplète) d'Aristote. De même, la bibliothèque de la Pléiade avait tenu à publier dès 1942 une traduction complète sous l'autorité de deux sommités des études platoniciennes (Léon Robin et son disciple Joseph Moreau), saluée par le grand Albert Rivaud (lui-même admirable éditeur et traducteur du Timée et du Critias aux Belles lettres en 1925), bien avant de s'intéresser, par exemple, aux Stoïciens (ils arrivent en 1962 seulement dans la même collection, à l'initiative d'Émile Bréhier) ou aux Présocratiques (1988).

Plato-258.jpgMais en 1983, c'était un acte contre-révolutionnaire, dans la mesure où le platonisme était considéré par les déconstructeurs comme le modèle à abattre. Ni Baptiste Rappin, ni son postfacier Pierre Magnard, ni même le préfacier Jean-Jacques Wunenburger ne le signalent (à moins qu'une note m'ait échappé ?) : une annexe du livre de Gilles Deleuze, Logique du sens (éditions de Minuit, 1969) s'intitulait Platon et les simulacres. Il s'agissait de la reprise d'un article au titre original nettement plus virulent, Renverser le platonisme (les simulacres), paru en 1966 dans la Revue de Métaphysique et de Morale. C'est pourtant, de toute évidence, au titre de cette annexe que fait allusion le titre de la thèse de doctorat de Mattéi qui substituait au titre de Deleuze un «Étranger» à la place de Platon : cet Étranger fait bien sûr allusion à celui du Sophiste de Platon, un des dialogues métaphysiques les plus techniques et élevés de Platon. C'est peut-être aussi, et cela Rappin le signale à juste titre, une allusion au roman d'Albert Camus avec qui Mattéi éprouvait une affinité spirituelle en raison de leur communauté d'origine et de formation.

Qu'on se souvienne aussi qu'en 1993, les éditions Vrin publiaient le tome 1 des actes (supervisés par Monique Dixsaut) d'un colloque intitulé Contre Platon : le platonisme dévoilé, qui prenait plaisir, sous ce titre provocateur, à faire l'histoire de l'anti-platonisme de l'antiquité au XVIIIesiècle, avant qu'un tome 2 Contre Platon : renverser le platonisme, dont le sous-titre reprenait explicitement le titre de l'article de Deleuze de 1966, la poursuive de Kant à nos jours. Et puis surtout pesait sur Platon la critique de Nietzsche, peut-être la plus redoutable dans la mesure où Nietzsche avait été, à son tour, récupéré (le terme était à la mode en politique, on l'importa vite en philosophie : les deux genres communiquaient) par Deleuze dans son Nietzsche et la philosophie (P.U.F., 1962) que certains étudiants de ma génération (celle des années 1980, celle de Mattéi, donc) prenaient naïvement pour la meilleure introduction à la pensée de Nietzsche, alors que c'était une étude deleuzienne polémique, technique, difficile d'accès et en outre dénuée de bibliographie. Concernant l'histoire du platonisme, Mattéi fait son miel des générations de platoniciens qui l'ont précédé : en lisant les pages 86-87 de l'étude de Rappin, on se dit que Mattéi a, par exemple, probablement lu, sur le rapport du mythe à la raison chez Platon, les études classiques de Perceval Frutiger, Les Mythes de Platon (éditions Félix Alcan, 1930) et de Pierre-Maxime Schuhl, La Fabulation platonicienne (première édition P.U.F., 1947, seconde édition revue et mise à jour Vrin, 1968), sans oublier celles de Jean-Pierre Vernant, le disciple (accessoirement communiste) de Louis Gernet. Un point commun intéressant à noter entre Deleuze et Mattéi : leur amour commun du cinéma comme paradigme métaphysique.

De la défense de l'ontologie platonicienne à la défense de la culture occidentale, le chemin de Mattéi passe alors par Martin Heidegger (cinq études en collaboration avec Dominique Janicaud sur le philosophe de la forêt noire aux P.U.F., en 1983), Pythagore et les Pythagoriciens (aux P.U.F., aussi en 1983), Jorge-Luis Borges, Albert Camus déjà cité et quelques autres. Métaphysiquement, Mattéi veut séparer le bon grain du mauvais : ceux qui pensent un ordre du monde (Platon, Nietzsche, Heidegger) doivent être privilégiés. Ils le pensent en prenant en charge l'irrationnel du mythe, de la poésie, de l'alchimie. Mattéi s'intéresse au symbolisme mythique et philosophique du pentagramme, à la poésie d'Homère et de Hölderlin, au film noir policier Vertigo [Sueurs froides] (1958) d'Alfred Hitchcock (scénario adapté librement du roman de Pierre Boileau et Thomas Narcejac, D'entre les morts, éditions Denoël, 1954). Plus explicitement, il affirme sa communauté spirituelle et intellectuelle avec Pierre Boutang, l'héritier de Charles Maurras sur qui Mattéi publie un article intitulé Maurras et Platon en 2011 : la boucle méditerranéenne antique est bouclée. Leur point commun, in fine, est selon Mattéi un rapport charnel à l'idéal grec originel que Rappin allie avec pertinence à l'expressionnisme philosophique allemand de Heidegger.

Un mot concernant le rapport de la France à la Grèce dans l'histoire des lettres et de la pensée française. Ce rapport constitue non pas une originalité, mais un point commun avec celles des lettres et de la pensée anglaises, allemandes, espagnoles, italiennes. L'originalité est à chercher dans le style précis du rapport chez tel écrivain ou tel penseur. Du coup, pourquoi Boutang ou Maurras plutôt que Du Bellay ou Leconte de Lisle (qui donna en 1865-1870 la plus belle – sinon la plus philologiquement exacte – traduction d'Homère en préservant à peu près les noms grecs dans sa traduction) ? Après tout, Baptiste Rappin cite La Vie antérieure de Baudelaire en exergue car il juge son poème d'essence platonicienne : certes, il l'est. Mais on aurait pu citer tout aussi bien un fragment poétique de Leconte de Lisle ou de Théophile Gautier. C'est que Mattéi se veut le continuateur du combat contre l'oubli de la Grèce par la France, combat qu'il considère avoir été mené par Boutang et par Maurras, combat parallèle à celui contre l'oubli de l'être mené par Martin Heidegger. Combat que ni Du Bellay ni Leconte de Lisle n'avaient à mener en leurs temps respectifs où le marxisme d'une part, le déconstructivisme d'autre part, n'existaient ni l'un ni l'autre.

Sur le plan purement historique, certaines remarques font parfois un peu sourire : Rémy Brague n'est évidemment pas le premier, contrairement à ce qu'écrit Baptiste Rappin page 101, à avoir mis en évidence «la secondarité de Rome par rapport à Athènes» en écho à celle d'Athènes par rapport à l'Asie : G.W. F. Hegel l'écrivait déjà dans son Introduction à la philosophie de l'histoire en 1828-1830 et l'idée traverse l'historiographie occidentale depuis saint Augustin jusqu'à Bossuet. On aurait pu citer tout aussi bien un fragment poétique de Leconte de Lisle ou de Théophile Gautier. Certains voisinages théoriques sont suggestifs, d'autres s'avèrent parfois surprenants : à la page 124, l'esprit juif défini par Franz Roseinzweig se retrouve proche du pentagramme que Heidegger voulut qu'on gravât sur sa tombe et Baptiste Rappin ajoute : «C'est bien l'étoile de Pythagore, que les Francs-Maçons tracent entre l'équerre et le compas, c'est-à-dire entre Terre et Ciel, qui guida le regard de Mattéi, par-delà, ou peut-être en-deçà, du Soleil platonicien». Beaucoup plus intéressantes sont les remarques sur l'emploi du chiasme par Mattéi et leur rapprochement avec le style de Heidegger dont Mattéi fut un fervent lecteur.

Sur le plan de l'histoire de l'histoire de la philosophie (la philosophie a une histoire mais cette histoire a elle aussi son histoire : des esprits aussi pénétrants qu'Émile Boutroux, Émile Bréhier ou Henri Gouhier l'avaient d'ailleurs admirablement étudiée), il me semble qu'il manque à l'étude sincère et synthétique de Baptiste Rappin sur Mattéi, la mention approfondie d'un penseur déterminant pour comprendre pourquoi Mattéi privilégia non pas Parménide ni Héraclite mais bien Platon comme paradigme de la culture occidentale. Ce philosophe, c'est par l'intermédiaire de Martin Heidegger qu'il l'a peut-être réellement, effectivement, rencontré : j'ai nommé G.W.F. Hegel. Sans ce dernier, Nietzsche n'aurait pas critiqué le platonisme comme il l'a fait, Heidegger ne l'aurait pas non plus envisagé comme il l'a fait, Mattéi n'aurait pas pu allier en un même titre Platon, Nietzsche et Heidegger alors que, en apparence, ils ne sont pas conciliables. C'est qu'ils le sont d'un certain point de vue que Mattéi, je pense, trouva chez G.W.F. Hegel. Le moyen terme, le chaînon manquant qui permet de réconcilier dialectiquement, en profondeur, le mythe et la raison, l'irrationnel et le rationnel, c'est le système de G.W.F. Hegel, au premier rang duquel on doit mentionner l'histoire de la philosophie écrite par Hegel. On se souvient que Hegel considérait Parménide comme la thèse (l'être en repos, identique à lui-même), Héraclite comme l'antithèse (l'être en perpétuel devenir, en guerre avec lui-même comme avec le monde), Platon comme la synthèse (être fixe+devenir, même+autre = réalité sublunaire inférieure mais pouvant prendre conscience, par une conversion intellectuelle autant que mythique et vitale, de la réalité absolue des essences). Ce n'est, selon moi, pas un hasard si Mattéi est contemporain de la traduction de ce philosophe chez Vrin qui la révélait dans toute son ampleur à la Sorbonne. Ce qu'admire Mattéi dans la philosophie de Platon, c'est précisément l'alliage du même et de l'autre dans la pensée comme mouvement, comme devenir, comme odyssée, comme histoire d'un voyage partant d'une origine pour mieux y revenir, mais enrichi par ses péripéties qu'il faut nommer dialectiques. Cette odyssée homérique, devenue symbolique à telle point que les mythes d'Homère sont des piliers de la pensée grecque (je renvoie ici à mon article sur le livre classique de Félix Bussière), c'est bien celle décrite par le système hégélien tel qu'il pose, expose, repose enfin la philosophie et son histoire, l'esthétique et son histoire, l'histoire des religions et des mythes. Mattéi s'est intéressé à ces trois domaines.

platoatlanti.jpgEn politique, Mattéi pensa sur le mode platonicien pur et dur, de la fin du XXe siècle à sa mort : il combat dans La Barbarie intérieure – essai sur l'immonde moderne (1999), la subversion sophistique de la contre-culture, de l'art moderne qui nie le rapport au sens ou qui se veut non-sens, du rejet de l'autorité à l'école comme dans la société. Son pythagorisme le pousse même à critiquer sévèrement la musique dodécaphonique : elle est parfois très belle, pourtant, et Platon l'aurait peut-être appréciée... qui sait ? Baptiste Rappin rappelle que Mattéi fut hostile à certaines tendances contemporaines telles que le management ou le transhumanisme. Autant le premier me semble fondamentalement antipathique (3), autant le second me semble intéressant. Ces réserves sont destinées à montrer que la dernière période de la production de Mattéi, bien que cohérente avec sa période purement métaphysique antérieure, s'avère, en fin de compte, aussi peu originale qu'elle. Mais l'originalité étant un concept qui n'appartenait pas à la pensée antique, Mattéi aurait sans doute apprécié, in fine, d'être tenu pour un transmetteur fidèle, poursuivant un combat qu'il n'avait pas initié.

Notes
(1) On la trouvera dans Pierre Boutang, Ontologie du secret (éditions P.U.F., 1973, réédition en 1988 dans la collection Quadrige, page 20). Soit dit en passant, la citation de Pierre Boutang par Baptiste Rappin à la p. 225 : «[...] analogue à celui d'Ulysse, son maître, reconnaissant une telle natale qu'ingrat, ou par quelque providence divine, il avait crue étrangère en y abordant» doit se lire terre natale. Certaines coquilles morphologiques ou syntaxiques dépareillent le texte, y compris celui de certaines citations. Concernant les sources bibliographiques, ce sont souvent les éditions récentes qui sont citées, sans que l'édition originale soit mentionnée. Il ne faudrait donc pas croire, en lisant la note 510 de la page 223, qu’Emmanuel Lévinas publia en 2003 son livre Totalité et infini. En réalité, il a paru à la Haye en 1961. Idem pour la note 267 de la page 127 : la traduction du Gorgias de Platon par Alfred Croiset fut initialement publiée aux Belles lettres en 1923, en regard du texte grec : elle ne date pas de 1991 ni de sa réédition en collection Tel chez Gallimard. Même remarque encore pour la note 145 de la page 78 : Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs date de 1965 en édition originale chez Maspéro. L’édition mentionnée (La Découverte en 1991) est aussi une réédition.

(2) Ils apparaissent cependant, à mesure que le temps passe et que leur influence s'estompe, moins redoutables, en dépit de leur surnom biblique, que ceux aperçus durant le générique d'ouverture du film classique signé par l'esthète Vincente Minnelli (The Four Horsemen of the Apocalypse [Les Quatre cavaliers de l'Apocalypse, États-Unis/Mexique, scope-couleurs, 1962) d'après le roman de Vincente Blasco Ibañez. Concernant les quatre philosophes ainsi surnommés, le plus profond et le plus intéressant demeure, en ce qui me concerne, Gilles Deleuze, pour ses travaux d'histoire de la philosophie qu'il publia entre 1953 et 1969. Rapportés à ceux des générations de 1900-1945, les travaux français d'histoire de la philosophie de la période 1945-2000 doivent cependant, on le mesure toujours mieux à mesure que le temps passe, être considérés comme des travaux de second plan ou de seconde main. La génération formée par Ferdinand Alquié, Maurice de Gandillac, Georges Canguilhem, Jean Hyppolite, fut une génération philosophiquement inférieure à celles formées par Félix Ravaisson, Émile Boutroux, Jules Lachelier, Victor Brochard, Victor Delbos, Émile Bréhier et Henri Gouhier.

Cette baisse de niveau fut la conséquence directe de l'influence marxiste qui mina en profondeur, entre 1945 et 1990, l'université française et l'École Normale supérieure, section philosophie, au premier chef. Dans cette dernière, le dément Louis Althusser – qui étrangla son épouse dans leur appartement de fonction de la rue d'Ulm en 1980 – exerça une redoutable influence politique marxiste-léniniste puis ouvertement maoïste à partir de 1965: le cas est unique dans l'histoire de l'enseignement supérieur français depuis Napoléon à nos jours. Entre 1945 et 1980, l'université française fut une des plus atteintes par la propagande communiste : sa réputation à l'étranger était exécrable pour cette raison. Une réaction morale, intellectuelle et politique débute dès les années 1970, notamment à partir de la traduction française des œuvres autobiographiques de l'écrivain russe Alexandre Soljenitsyne. Elle s'accélère au moment de la chute du mur de Berlin et de celle de l'U.R.S.S. L'ouverture de la Chine au capitalisme national et international, capitalisme autoritaire et soigneusement contrôlé mais capitalisme tout de même, sous Deng Xiao Ping, porte un coup fatal au marxisme-léninisme et signe le début d'une ère de prospérité internationale globale. Les seules exceptions positives universitaires françaises, concernant la période 1945 à 2000, seraient peut-être le cas des études hégéliennes et des études sur le positivisme logique qui multiplient les traductions inédites. En revanche, l'histoire de la philosophie ancienne, médiévale et moderne stagne, voire décroît en valeur d'une manière alarmante. Les grands travaux de la période 1850-1945 – ceux grâce auxquels Paris s'était rehaussé au niveau de Londres et de Berlin – ne sont parfois plus réédités.

Le retard à la traduction, cette spécificité française, aura par ailleurs considérablement impacté la connaissance de penseurs de premiers plans dans notre pays : c'est avec presque cent ans de retard que nous arrivent actuellement les traductions françaises de certains textes de Martin Heidegger, de Ludwig Wittgenstein ou de John Dewey. Sans parler de l'absence d'une édition critique française du texte grec de la Métaphysique d'Aristote avec traduction en regard : les Belles lettres (qui publient des tomes de problèmes aristotéliciens tenus pour apocryphes mais dont certains seraient authentiques) n'ont toujours pas achevé l'établissement de ce texte majeur alors que l'Angleterre et l'Allemagne en disposent depuis longtemps. Pire encore : Auguste Comte – alors que sa statue trône justement place de la Sorbonne – demeure privé d'une édition critique de ses œuvres complètes. Les positivistes spiritualistes (Ravaisson, Lachelier, Boutroux) demeurent dans la même situation. De tels «trous noirs» éditoriaux ne sont évidemment plus acceptables.

(3) Cf. mon article Heidegger contre les robots dans lequel j'examine le livre intéressant de Baptiste Rappin sur Heidegger et la question du «management».

mardi, 06 décembre 2016

Particratie in de politiek Chris Aalberts en Arnout Maat

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Particratie in de politiek

Chris Aalberts en Arnout Maat

Doneer Café Weltschmerz, we hebben uw steun hard nodig! NL23 TRIO 0390 4379 13 (Disclaimer: Wij betalen over uw gift in Nederland belasting)

Hebben de politieke partijen te veel macht?

maat-parti.jpgDe Particratie (Aspekt 2016) is een werk van de aanstormende intellectueel Arnout Maat. Vanuit zijn achtergrond in geschiedenis, politicologie en politieke communicatie presenteert hij een relaas over het huidige politieke bestel. De essentie is dat politieke partijen al een eeuw lang een véél grotere rol spelen in de representatieve democratie dan ooit door onze grondwet is bedoeld. “De particratie van binnenuit omvormen to een democratie, zoals D66 ooit poogde te doen, is onmogelijk: alsof men een rijdende auto probeert te repareren”, zo vat Maat zijn relaas op de achterflap samen.

Volgens Arnout Maat is dat het geval en daarom schreef hij een boek over de macht van partijen. Volgens Maat moet die Particratie afgebroken worden voordat het te laat is. Maat maakt het onderscheid tussen het stemmen op een partij en anderzijds datgene wat de partij met die macht van de stem doet. De partij verwerft zich op die manier een macht die zij naar eigen inzicht gebruikt, zonder zich te bekommeren over de achterliggende wensen van de burger. Een corrigerend mechanisme bestaat in ons stelsel niet. Als een politicus succes wil hebben moet zij de partijdiscipline volgen en niet die van de gewone burgers......Kiest de politicus voor de wens van de burger dan wordt zijn carrière.

lundi, 05 décembre 2016

Carlo Galli - Il nomos della terra di Carl Schmitt

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Carlo Galli - Il nomos della terra di Carl Schmitt

Vincent Coussedière - Conférence sur le populisme

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Vincent Coussedière - Conférence sur le populisme

Conférence du Club Gutenberg Strasbourg, le 22 novembre 2016.

Vincent Coussedière, auteur de "Eloge du populisme"

 

jeudi, 01 décembre 2016

CARL SCHMITT AND POLITICAL THEOLOGY WITH RICHARD SUBWORTH

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CARL SCHMITT AND POLITICAL THEOLOGY WITH RICHARD SUBWORTH

mercredi, 30 novembre 2016

Peter Kropotkin: Der Seismograph der Revolution

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Peter Kropotkin: Der Seismograph der Revolution